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se vantèrent de ne savoir ni lire ni écrire, l’équitation ne fit aucun progrès. C’est à l’époque de la renaissance des lettres, des sciences et des arts, qu’elle commença à être enseignée avec quelque méthode, en Italie, par plusieurs gentilshommes, Frederico Grisone, César Fiaschi et surtout Giovan Batista Pignatelli, qui ouvrirent les premières académies, à Naples d’abord, puis à Rome. « Les élèves, dit Newcastle, y restaient des années avant qu’on leur dît seulement s’ils étaient capables d’apprendre et de réussir en cet exercice, tant les écuyers savaient bien faire valoir leur talent. »

La noblesse de France accourut aussitôt s’instruire à l’école italienne ; Salomon de La Broue, Saint-Antoine, Pluvinel, brillèrent au premier rang parmi les élèves du célèbre Pignatelli et, de retour en France, jetèrent les premières bases de l’enseignement. Des académies[1] furent fondées à Paris, à Tours, à Bordeaux, à Lyon ; elles recevaient des pensionnaires et des externes ; les pensionnaires y apprenaient non-seulement l’équitation, mais l’escrime, la danse, arts dits académiques, et les mathématiques.

Dans le sens le plus généralement usité, c’est-à-dire pour désigner une compagnie de savans ou d’artistes, nous verrons plus loin que le mot académie ne saurait convenir à aucune institution hippique ayant existé jusqu’à présent. Dans son sens le plus conforme à l’étymologie, ce nom qui, appliqué aujourd’hui à une école d’équitation, semble prétentieux, était certainement on ne peut mieux choisi pour désigner les endroits où les premiers maîtres enseignèrent les principes enfin découverts de l’art de monter à cheval. Cet art fut pendant longtemps le plus en honneur parmi ceux que pratiquait la noblesse, qui elle-même descendait des anciens écuyers[2], et c’est bien certainement parce que le cheval a été le principal instrument de la civilisation que Buffon l’a appelé « la plus noble conquête que l’homme ait jamais faite. » Aussi faut-il déplorer que tout ce qui se rapporte à l’équitation soit

  1. On trouve dans l’édition de 1777 du Dictionnaire de l’Académie française au mot ACADEMIE : « Certain lieu près d’Athènes où s’assemblaient… Se dit aussi d’une compagnie de personnes… Il se dit aussi du lieu où la noblesse apprend à monter à cheval et les autres exercices qui lui conviennent. (Il a mis son fils à l’Académie. Il est en pension à une telle Académie. Au sortir de l’Académie, il fut à la guerre.) Il se prend aussi pour les écoliers mêmes. (Ce jour-là, un tel écuyer fit monter toute son Académie à cheval.) » — ACADEMIE DE MUSIQUE ne vient qu’ensuite dans le Dictionnaire.
  2. On sait qu’après la conquête des Gaules et dès les premiers temps de la monarchie française, on donnait le nom d’écuyer aux gens de guerre qui tenaient le premier rang parmi les militaires ; on les appela gentilshommes ou nobles pour les distinguer du reste du peuple, et ils furent la source de la noblesse. Jusqu’à la Révolution, la charge d’écuyer resta un titre de noblesse, et nul ne pouvait prendre le titre d’écuyer s’il n’était issu d’un père ou d’un aïeul anobli dans la profession des armes.