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On aurait pu aussi économiser en licenciant les régimens étrangers, La Tour d’Auvergne, Isemberg et Irlandais, en congédiant les quatre régimens suisses, dont le recrutement et l’entretien s’élevaient à 3,632,000 francs, et en s’abstenant de faire entrer ou rentrer dans l’armée une masse d’officiers qui avaient pour titres l’émigration, la chouannerie ou des campagnes contre la France sous les drapeaux étrangers. Le 31 mai, une commission fut instituée à l’effet d’examiner les brevets et les états de services de ces revenans. Le vieux comte de Vioménil, qui faisait partie de cette commission, avait déjà été réintégré dans le grade de lieutenant-général, avec ancienneté du 1er janvier 1784. Envers la plupart des autres officiers de Louis XVI, on fut plus libéral : on les avança d’un ou de plusieurs grades. Brulart et d’Autichamp, tous deux capitaines avant la révolution, furent nommés, le premier maréchal de camp et le second lieutenant-général. De lieutenant-colonel, le duc d’Aumont devint lieutenant-général. Le comte de Bruges, le chevalier d’Andigné, le comte de Rochechouart, le fameux Châtelain, dit Tranquille, et tant d’autres qui n’avaient eu aucun grade sous Louis XVI et n’avaient servi que contre la France dans l’Ouest et sur le Rhin furent aussi nommés officiers-généraux. Depuis le mois de juillet 1814 jusqu’au mois de février de l’année suivante, 61 divisionnaires, 150 brigadiers et plus de 2,000 officiers supérieurs et capitaines furent ainsi introduits dans l’armée. Et en mars 1815, il restait encore 7,500 dossiers à examiner[1] !

Avec « le retour des lis, » selon le style du temps, les ambitions et les convoitises s’étaient éveillées. Les émigrés, — et il faut entendre par cette dénomination non-seulement les trois ou quatre mille nobles revenus en France à la chute de l’empire, mais tous ceux qui étaient rentrés bien des années auparavant en vertu de l’amnistie de l’an x, — s’attendaient à des hécatombes de fonctionnaires. Il y aurait plus de places que de postulans. Il y eut en effet un grand nombre de destitutions, mais les emplois vacans furent donnés aux royalistes constitutionnels de préférence aux ultras. Sauf Dupont et Malouet, son collègue de la marine, les

  1. Rapport de Carion-Nisas, à Davout. 20 avril 1815. (Archives nationales, AF. IV, 1939.) État général dressé en avril 1815. (Archives nationales, AF. IV, 1930.) De ces 2,200 officiers, un certain nombre entrèrent dans la maison militaire du roi, comme brigadiers, maréchaux des logis, sous-lieutenans et lieutenans. D’autres furent pourvus de commandemens dans la ligne ou mis à la suite des régimens.