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10 décès sur 11 cas, et 13 sur 19 à Argenteuil ; la mortalité générale a dépassé 60 pour 100.

On peut alléguer, il est vrai, que les victimes étaient, pour la plupart, affaiblies par les privations et la misère ; mais une léthalité semblable n’en est pas moins extraordinaire et contraste avec le peu de tendance à l’expansion que la maladie a montrée. Il semblerait que le choléra a de la peine à s’implanter aujourd’hui dans notre capitale assainie et cela fait espérer que le voyageur qui nous arrive de Russie sera plus traitable que ses devanciers. Il ne s’est pas montré jusqu’ici bien sévère.

Depuis quelques années, on pouvait suivre sa marche continue de l’Asie centrale et de la Mésopotamie vers la Perse et le Caucase. L’an dernier, une épidémie suspecte fut signalée en Crimée, et la conférence de Venise, avant de se séparer, avait prédit qu’on aurait bientôt à prendre des mesures analogues à celles qu’elle venait d’adopter, pour empêcher le choléra de s’introduire en Europe par la voie de terre. Cet hiver, il a fait un pas en avant, et la Perse a été envahie. Au mois de février, l’importante ville de Méched a été décimée par le fléau. Depuis lors, il a envahi le Caucase, a traversé la mer Caspienne et s’est montré dans la région du Volga. On l’a signalé à Astrakan, à Saratov, à Samara, à Kazan, puis à Kharkof et sur les bords de la mer d’Azof. Il a éclaté à Nijni-Novgorod à l’époque de la foire ; en dernier lieu, il est apparu à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Le relevé publié, le 1er août, par le Messager officiel, portait le chiffre des décès à 25,000 pour tout l’empire. Dans ce nombre, 12,300 ont été enregistrés dans la province d’Astrakan et la région du Caucase qui ont été les plus éprouvées. Le 2 août, l’épidémie a été signalée en Sibérie parmi les détenus de Tomsk, et le 16, elle a fait son apparition en Tauride. Depuis cette époque, on signale partout en Russie une amélioration notable dans la situation sanitaire, sauf dans les gouvernemens de Samara et de Saratov. L’épidémie est presque arrêtée dans le Caucase, et dans la région du Volga ; elle tend à diminuer à Moscou et à Saint-Pétersbourg ; mais elle accentue sa marche vers l’Ouest et, pour aller plus vite, elle a pris la voie de mer.

Pendant que nous pensions avoir encore, entre le choléra et nous, l’Autriche et l’Allemagne, nous avons appris tout à coup qu’il venait d’éclater à Anvers, à Altona et à Hambourg, puis au Havre. À Hambourg, du 18 au 24 août, on a compté 477 cas et 152 décès, dont 95 dans les deux dernières journées. Le docteur Koch, qui a été envoyé sur les lieux, ne doute pas que le choléra n’y ait été importé de Russie. C’est de Hambourg qu’il a été importé au Havre par le steamer le Gallicia. Le 25 août, l’administration