Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Sir-Daria. Ils forment deux grandes races : les One-Yourt et les Koungrads, se subdivisant en nombreuses familles[1].

Les Karakalpaks occupent les meilleures terres. Il y a aussi des Kirghizes et des Uzbegs. On évalue la population totale du delta à 104,000 âmes.

Les monts de Kouch-Kanata, que la route coupe maintenant, limitent, au point de vue orographique, la contrée de Tchimbaï. Ce sont des monts dénudés, argileux, parcourus au printemps par les bestiaux et ayant sur le versant occidental quelques dunes de sable. Ils s’étendent du nord au nord-est sur une longueur de 20 verstes avec une distance transversale atteignant 12 verstes dans la partie occidentale. Les indigènes traversent ces collines par deux routes. Les points les plus élevés sont dans la partie occidentale, où ils atteignent 50 mètres au-dessus du niveau du lac le Sari-Sou. Ces monts dominent l’immense plaine du delta, qui porte le nom de plaine de Kouch-Kanata, et où nous pénétrons maintenant.

C’est un grand pays tantôt couvert d’eaux stagnantes, tantôt présentant de grandes surfaces sèches ; il y manque une pente favorable pour l’irrigation. Aussi ce pays est-il peu cultivé ; il n’y a que des nomades.

C’est une grande steppe garnie de roseaux, s’étendant devant nous infinie jusqu’à l’horizon. Point de brume, on chercherait vainement ici un paysage de contrée humide. Pas un arbre ne se dessine sur l’horizon. À peine çà et là quelques traces de culture.

Mais tout à coup le djiguite s’arrête, c’est un large harik qui nous barre le chemin.

Faut-il risquer le passage ? Dans le doute, on suit la rive, tâchant de sonder des yeux la profondeur de l’eau, la solidité du plafond du fossé.

Voici de nombreuses traces de bêtes coupant l’eau. On traverse en cet endroit et on reprend la marche dans la direction primitive, à travers les roseaux clairsemés. La nuit tombe et nous marchons toujours. Le bruit de notre marche interrompt seul le calme du soir.

Enfin, voici des tentes, on s’y arrête pour passer la nuit. Ce sont de braves gens qui nous apportent du fait, des poulets. La nuit est belle. Les moustiques gênent bien un peu[2]. Mais

  1. D’après les chiffres publiés dans le rapport du général von Kaufinann, 1881, on compte, dans le district de Tchimbaï, 17,350 tentes.
  2. Les Karakalpaks, pour garantir leurs troupeaux de la piqûre des moustiques, ont creusé dans le sol des fosses où les vaches et les moutons peuvent se coucher. Ces fosses sont peu profondes et assez grandes pour qu’un bœuf puisse s’y tenir debout, ayant la tête au ras du sol.