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religieuse. Si l’on veut, ce que nous devons tous souhaiter, que le curé ne cherche pas à être maître ailleurs qu’à l’église, il faut que l’instituteur rentre dans l’école : chacun a sa mission ; mais il n’est que temps de faire comprendre au fonctionnaire chargé de l’instruction primaire que, missionnaire d’un nouveau genre, il n’a pas reçu de l’État, comme il l’imagine, mandat d’affranchir l’enfant de l’influence religieuse,

Au fond de toute la querelle, se trouve donc une contradiction philosophique. La religion est-elle inutile ? Est-elle nécessaire ? Un peuple libre doit-il bannir tout culte ? L’idée de Dieu n’est-elle pas, au contraire, le fondement vrai de la liberté, n’est-elle pas nécessaire à une démocratie ?

Voilà le fond de la lutte actuelle. Elle n’est pas ailleurs.


III

C’est le caractère doctrinal de la querelle qui en fait la gravité. Loin de vouloir restreindre le débat, il semble qu’on prenne plaisir à l’étendre. On fait naître les incidens inutiles, on provoque à plaisir les conflits. On cherche dans une bravade un regain de popularité parlementaire ou électorale.

Nous ne remontons pas aux vieilles querelles qui ont suivi l’article 7, aux expulsions bruyantes, aux efforts disproportionnés des déplorables campagnes menées de 1881 à 1883. Nous avons assisté depuis à une sorte d’accalmie. Nos gouvernans, ayant été moins loin que M. de Bismarck, n’avaient pas eu besoin d’un traité de paix pour terminer leur Kulturkampf. Quelques tempéramens prescrits à des préfets dans l’application de certaines lois, la levée sans bruit de mesures arbitraires, pouvaient faire espérer aux optimistes dans le cours de l’année 1890 qu’avec le temps une conciliation serait possible. Il est vrai qu’aucun ministre n’osait parler tout haut « d’apaisement. » Si quelques-uns d’entre eux tenaient le langage le plus pacifique, si certains actes étaient dignes de leurs promesses, si les traitemens étourdiment suspendus par le précédent ministère étaient peu à peu rétablis, ces progrès n’étaient portés à la connaissance du public, ni par la presse, ni par la tribune. Il est rare que les hommes politiques pèchent par excès de modestie ; mais les mesures qui auraient satisfait les partisans de la paix religieuse n’étaient-elles pas autant de faiblesses que condamneraient les radicaux ? Ne fallait-il pas, avant tout, les leur dissimuler ? On faisait donc de sage et bonne politique sans oser le dire.

D’ailleurs, il semblait que le cabinet ne suivît pas une ligne commune. Tandis que les rapports avec la cour de Rome étaient empreints d’un esprit à la fois ferme et modéré, certains symptômes