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partout ailleurs qu’en Normandie bien plus de qualité puisque, d’après les spécialistes, les herbages de l’est, du centre et du midi poussent moins à la lymphe et donnent plus de vigueur que ceux du nord et du nord-ouest.

A la cause de découragement que nous Tenons de mentionner, il faut encore ajouter les dissertations fâcheuses d’écrivains plus ou moins hommes de cheval, sur les difficultés et les risques énormes de l’élevage, les frais qu’il entraîne, etc. La vérité est que ceux qui y apporteraient des soins intelligens, indispensables en somme à toute exploitation, augmenteraient promptement leur fortune en même temps que celle du pays.

La population chevaline de la France, dont le chiffre s’élève à environ trois millions de têtes, est sans doute suffisante quant à présent ; mais la qualité des chevaux, des chevaux de selle surtout, est généralement mauvaise, et c’est pour cela qu’ils ne se vendent pas avantageusement. Cette infériorité provient de l’inexpérience des éleveurs, qui livrent encore à la reproduction des jumens très défectueuses, et du peu de soins qu’on donne partout aux poulains. Depuis plus de quinze ans, nous avons visité bien des établissemens d’élevage, grands et petits. Si nous nous bornions à tracer le tableau de ce que nous avons vu dans les uns comme dans les autres, on pourrait nous taxer d’exagération ; mais il est des documens dont l’exactitude n’est guère contestable : la Photographie hippique donnait, dans son numéro de janvier 1890, les portraits de jumens de pur-sang dans l’herbage, en Normandie. Les bêtes, dans un état de gestation avancé, manquent de chair, ont le poil terne, la crinière et la queue incultes ; il est facile de voir qu’elles ne mangent pas d’avoine et ne sont pas pansées. Dans ces conditions, le système musculaire et tous les organes s’affaiblissent, et les produits à naître doivent inévitablement s’en ressentir. Le même numéro de la même publication donnait la photographie d’un étalon de pur-sang arabe fort beau, mais beaucoup trop gras, empâté de partout comme tous les étalons qui peuplent nos haras. Les véritables lois de l’hygiène sont dans les deux cas également méconnues. Ce n’est pas ainsi que doivent être nourris et soignés les animaux sur lesquels on compte pour améliorer les races. Si, nous substituant à la nature, nous voulons produire des chevaux aptes à des travaux qu’ils ne font pas à l’état sauvage, il est indispensable que nous leur donnions des soins, une alimentation et un exercice réglés en conséquence. Il y a donc, nous le répétons, d’importantes réformes à apporter à ce qui se fait actuellement. L’exemple toutefois ne peut venir que de quelques grands éleveurs, d’abord parce que c’est eux qui