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Un autre vice-roi, encore plus qualifié peut-être pour donner son avis en cette matière parce qu’il était plus récemment à la tête du gouvernement de l’Inde, et que précisément, — je l’expliquerai tout à l’heure, — s’il a paru possible d’élever quelques critiques contre le service civil, ce serait plutôt dans les dernières années qui viennent de s’écouler, — cet autre vice-roi (pourquoi ne pas le nommer ?), lord Dufferin, m’écrit dans les termes suivans : « Vous me demandez de vous dire la vérité vraie sur l’habileté, l’expérience, et, d’une manière plus générale, la valeur morale de nos fonctionnaires du service civil de l’Inde. Je réponds sans aucune hésitation : il n’y a pas au monde un service comme celui-là. Pour l’ingéniosité, le courage, la rectitude du jugement, le dévoûment désintéressé à leurs devoirs, l’endurance, l’ouverture d’esprit, et en même temps la loyauté entre eux et envers leurs chefs, ils sont, à ma connaissance, supérieurs à n’importe quelle catégorie d’Anglais. Ils sont absolument purs de toute vénalité et de toute corruption. Naturellement, tous ne sont pas de même valeur ; aussi ne parlé-je d’eux que comme d’un ensemble. D’ailleurs, si le service civil de l’Inde n’était pas ce que je viens de dire, comment le gouvernement de ce pays irait-il si tranquillement ? Nous y avons plus de 250 millions de sujets et moins de 1,000 fonctionnaires civils anglais pour conduire toute l’administration. »

Enfin un haut fonctionnaire de l’India office m’écrit : « Vous savez avec quel scrupule le covenanted civil service est recruté… la position d’un covenanted civilian, même de grade modeste, entraîne de grandes responsabilités : il a sous ses ordres de nombreux subordonnés, et dirige en fait la destinée de millions d’individus. Tout cela est expliqué avec détails dans le Report of the Indian public service commission[1], que je vous envoie avec quelques autres documens qui traitent du même sujet. Vous les trouverez, j’en ai peur, un peu arides ; mais ils vous fourniront les faits les plus récens et vous démontreront quelle attention le gouvernement de l’Inde apporte au choix de ses fonctionnaires. Quant à moi, je puis dire que j’ai une expérience de vingt années dans ce ministère auquel aboutissent toutes les plaintes ou accusations portées contre un civil servant, et je suis pleinement convaincu de la droiture, de la capacité et du succès, tout cela à un haut degré, de ce service. Sans doute, il y a eu des occasions où certains de ses membres ont tenu une conduite incorrecte. Mais les exceptions prouvent la

  1. C. 5296, 1890 ; cf. Correspondence between the government of India and the secretary of State for India, 1885, c. 4580.