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lasse, on finissait par tomber d’accord), mais dans quelles conditions elle apporterait son concours pour établir un système de paix générale, et, par suite, dans quelle communauté d’intérêts et d’alliance elle se trouverait engagée le lendemain ; et c’est sur ce point, regardant au fond l’avenir plus que le présent, que les ennemis coalisés la veille contre elle étaient déjà (et devaient devenir de jour en jour davantage) foncièrement en dissidence[1].

En même temps que ces instructions conciliantes, deux missives partaient également de Londres : l’une à l’adresse du ministre anglais à Vienne pour lui faire part des concessions auxquelles la nécessité forçait de se résigner et le charger de préparer Marie-Thérèse aux sacrifices indispensables ; l’autre à la destination du roi de Prusse pour lui demander d’intervenir auprès de la France, au moins par une médiation officieuse, afin d’obtenir qu’elle ne se montrât pas trop exigeante, surtout en ce qui regardait le compte à régler entre la république de Gênes et le roi de Sardaigne. Celle-ci devait être portée et remise en mains propres par le nouveau ministre que George envoyait à son neveu et qui devait, en se rendant à Berlin, s’arrêter sur son chemin à Aix-la-Chapelle. En prévenant de cette démarche le ministre prussien à Londres, Mitchell, le duc de Newcastle lui disait que, si le roi de Prusse leur rendait le service qu’on lui demandait, le roi d’Angleterre lui en garderait une reconnaissance éternelle : — « La triste mine, disait Mitchell, que le duc avait en me parlant, me lait comprendre dans quel embarras est le gouvernement anglais[2]. »

L’effet du siège et de la prise désormais certaine de Maëstricht eût été aussi grand à Vienne qu’à Londres, si la surprise n’y eût été moindre ; mais Batthiani, campé devant la ville, avait appris ou du moins soupçonné le mouvement tournant de Lowendal avant qu’il fût opéré, et put donner avis d’avance du résultat prévu aussi bien à sa cour qu’à Kaunitz : et, d’ailleurs, ne se laissant pas tromper comme Cumberland par les feintes manœuvres de Maurice, il n’avait jamais cessé de réclamer la concentration sur la Meuse de toutes les forces défensives[3]. Aussi dans la disposition où était Marie-Thérèse, l’imprévoyance et la facilité avec lesquelles on laissait se consommer une opération qui pouvait être décisive ne durent lui paraître qu’une preuve nouvelle de la complaisance criminelle qu’elle soupçonnait : c’était évidemment le parti-pris de se précipiter en l’entraînant elle-même dans ce qu’elle appelait une paix hâtive et

  1. Newcastle à Sandwich, 19 avril 1748. (Pelham administration, t. Ier, p. 414.)
  2. Droysen, t. III, p. 44.
  3. Kaunitz à Marie-Thérèse, 4 avril 1748. À cette date, l’ambassadeur fait savoir qu’il est averti par Batthiani qu’un corps d’armée français s’avance par la rive droite de la Meuse.