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qu’exporte la France, afin que celle-ci ne pût tirer aucun bénéfice indirect, notable du moins, des nouveaux arrangemens germaniques. Enfin la clause du traité de Francfort ne garantit, dans une certaine mesure, les marchandises françaises que sur le territoire allemand, non sur le territoire des alliés commerciaux de l’Allemagne, à savoir l’Autriche-Hongrie, l’Italie, la Suisse, la Belgique et probablement les principautés danubiennes.

Il faut donc négocier avec tous ces pays. Au moment où nous écrivons ces lignes, les négociations sont en cours ; elles vont avoir abouti avec certaines puissances, et être rompues peut-être avec certaines autres.

Le gouvernement a affecté une grande confiance sur le succès de ces négociations, sauf avec un pays, l’Espagne. Il est indispensable que nous tombions d’accord avec la Belgique, avec la Suisse, avec l’Autriche-Hongrie ; sinon, le préjudice ne porterait pas seulement sur nos intérêts matériels, mais encore sur nos intérêts moraux les plus élevés. Nos conventions littéraires et artistiques, qui ont tant fait pour le prestige de la France et pour son influence intellectuelle, risqueraient d’être dénoncées ; nous perdrions le fruit de tout le labeur de notre diplomatie depuis quarante années. L’adhésion de l’Espagne, sinon immédiatement, du moins à courte échéance, est imposée par la force des choses. Certes, les Espagnols, qui viennent d’établir un tarif de douanes encore beaucoup plus protectionniste que le nôtre, sont capables, dans un accès de mauvaise humeur, de prohiber nos marchandises à partir du 1er février ; mais la France est le seul marché sérieux pour les vins espagnols, le seul qui en puisse absorber sept à huit millions d’hectolitres par an, tandis que l’Allemagne, la terre classique de la bière, ne pourra de longtemps consommer deux millions d’hectolitres de vin étranger ; en outre, les nouveaux droits français sur les vins se trouvent encore fort inférieurs aux nouveaux droits germaniques et à ceux de toutes les autres nations sur la même denrée. Toute guerre douanière entre l’Espagne et la France est donc impossible, les conditions étant trop inégales. Au fur et à mesure que l’on se rapprocherait de l’époque des vendanges, l’Espagne se montrerait plus disposée à céder ; il lui serait impossible de ne pas le faire sans se porter un préjudice irréparable. L’Italie, qui a fait l’expérience de la perte du marché français pour ses vins, se met à implorer, comme un inestimable bonheur, l’application à ses produits de notre nouveau tarif minimum. Mais si des circonstances particulières font que, étant le seul grand marché possible au monde pour les vins de consommation courante, nous tenons dans une sorte de dépendance les pays viticoles, il n’en est pas de même des autres contrées ; nous n’avons aucun moyen