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nullement à l’instinct du pays, qui, aujourd’hui comme hier, est pour la paix. C’est un grand bruit à la surface, une échauffourée de parlement dont le dernier mot, à dire vrai, a été et devait être un vote qui ne résout rien, qui ne fait que dévoiler les contradictions et les perplexités des partis. Ce qu’il y a d’étrange, en effet, c’est que de tous ces partis qui se défient, qui se menacent mutuellement d’une séparation définitive, aucun n’a bien sérieusement envie d’en venir à cette extrémité. On sent bien, au camp des évêques, des catholiques, comme au camp des républicains sensés, des hommes du gouvernement, que si le régime concordataire a ses obligations et ses gênes, il a aussi ses avantages, qu’il assure après tout, depuis près d’un siècle, la paix religieuse en France ; on sent bien que, pour l’Église comme pour la république elle-même, une rupture éclatante et définitive serait use singulière aventure qui commencerait, dans tous les cas, par une crise redoutable, par une sorte de guerre intestine. On le sent avec raison, et on recule devant cet inconnu que la France n’a pas le temps de braver !

Que reste-t-il donc de mieux, de plus sensé et de plus pratique ? il ne reste en vérité qu’à rentrer dans ce concordat dont on parle mal et qu’on n’a pas hâte de dénoncer, à s’arranger pour y vivre pacifiquement, en se supportant mutuellement sans trop se heurter, sans se refuser les concessions nécessaires. Au fond, c’est, à ce qu’il semble, tout ce qu’a voulu dire M. le président du conseil, qui a complété d’ailleurs sa pensée en déclarant que, quant à lui, il ne se chargerait ni de réaliser, ni de préparer la séparation de l’Eglise et de l’État. C’est là la question qui vient d’être si passionnément agitée dans la confusion de débats plus bruyans que décisifs. Le bruit tombera sans doute, et on reviendra à la réalité, au concordat pratiqué avec intelligence, parce que c’est la seule politique qui, en assurant la paix intérieure, puisse être pour la France un gage d’union morale et de force dans les affaires du monde.

Tout est à peu près dit pour le moment, on peut le croire, sur l’état présent de l’Europe, sur l’influence qu’ont pu avoir les incidens qui se sont succédé depuis quelques mois, sur la direction de toutes les politiques et les intentions des gouvernemens. Les situations ne changent pas tous les jours pour une visite ministérielle, pour une entrevue ou un discours, et il est bien entendu que les alliances qui règlent les rapports généraux du continent restent formées pour la paix. Peut-être cependant pourrait-on soupçonner parfois que dans ces alliances si solides, si habilement nouées, représentées comme la sauvegarde de la paix, il y a des fissures, des sous-entendus ou des réticences. Il y a des points sur lesquelles on s’entend, à condition de ne pas trop s’expliquer. Que l’Autriche et l’Italie soient des compagnes intimes, éprouvées, communiant ensemble avec l’Allemagne dans la triple alliance, qui le nie ? On le publie assez haut, on le répète à tout