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des malfaiteurs, on passa la corde au cou du héros, et son corps se balança dans le vide. Whitgift, archevêque de Canterbury, avait été le premier, le plus empressé à signer l’ordre d’exécution. Aux yeux de la postérité, l’acte du prélat établissait que le condamné n’avait pas calomnié les hommes dont il dénonçait au monde la barbarie et les vices. Au reste, trente ou quarante ans après la mort de Penry, le vicaire de Llandovery, Rees Pritchard, poète et homme d’église, reprenait ses accusations, commençait une campagne presque aussi violente que la sienne et dans un recueil de vers resté célèbre, représentait sous des couleurs infamantes les principaux chefs de la secte anglicane.

Tant d’indignités d’une part, de protestations persévérantes de l’autre avaient remué profondément les esprits, hâté l’heure où les dissidens disposeraient de la direction des consciences. Çà et là, ce qu’on a nommé d’abord l’inconformity commençait à apparaître. Les rapports adressés en 1633 à Charles Ier par l’épiscopat signalent la naissance du mouvement, parlent avec sévérité de quelques cas d’indiscipline. Des membres du clergé se sont séparés de l’Église, ont osé rompre publiquement avec elle. Le châtiment ne s’est pas fait attendre; les coupables ont été dépouillés de leur emploi et de leurs privilèges, mais les voilà libres et ils vont se livrer à un prosélytisme effréné. Ils ne réussissent que trop, au gré de leurs anciens maîtres, à recruter des adeptes, à former un parti d’opposition, sorte de fronde religieuse dont on ne parviendra plus à arrêter les progrès. En 1662, ils sont traqués de tous côtés, poursuivis jusque dans les montagnes, à travers les défilés escarpés où ils se glissent pour courir à des réunions de nuit, y recevoir le mot d’ordre des affiliés et des frères. Le peuple les y suivait, sans grand zèle d’abord, tremblant à l’idée des représailles épiscopales. On se cachait, on avait l’effroi de la lutte ouverte et c’est au fond des bois et des cavernes que ces timides conspirateurs organisaient leurs complots. Quelquefois, un incident, la nomination d’un personnage détesté, bouleversaient les résolutions et déchaînaient les colères. Quand le pouvoir appelle à Bangor l’évêque Hoadley, ce choix irrite tellement les paroissiens, qu’ils massacrent presque un prêtre irlandais que, par une méprise déplorable, ils ont confondu avec lui. A la nouvelle de cet attentat, le titulaire du siège, épouvanté, repasse en Angleterre, s’y fixe et y jouit paisiblement pendant six ans des bénéfices attachés à sa charge.

Cependant, à la restauration des Stuarts et dès l’avènement de Charles II, une des plus vives préoccupations du pouvoir fut de porter aux non-conformistes des coups dont on espérait bien qu’ils ne se relèveraient jamais. L’Act of unîformity déclare leur propagande