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favorables. La monarchie est affermie ; elle n’a désormais à craindre, au dedans et au dehors, que les fautes où elle serait entraînée par des conseils aveugles ou téméraires… »

Était-ce bien la paix dans un régime définitivement fondé ? C’était au moins une trêve à laquelle on semblait se résigner facilement. Cette trêve, elle pouvait passer pour l’œuvre du temps, de quelques circonstances ; elle était certainement due aussi à la raison éclairée, à la patiente modération d’un roi qui depuis dix ans avait été comme un médiateur des partis, et à l’habile mesure du ministre qui, en représentant l’avènement du royalisme pur au pouvoir, mettait depuis deux ans tous ses soins à populariser un gouvernement de parti par sa prudence. La sagesse de Louis XVIII et de M. de Villèle, en créant cet état de prospérité et de confiance, avait de plus résolu un problème qui avait souvent pesé sur les esprits, celui d’émousser d’avance les périls et les difficultés d’une transition de règne que tout faisait prévoir, dont on sentait que l’heure approchait. Le roi lui-même le savait et attendait la mort avec un stoïcisme qu’il croyait être de la dignité royale. M. de Villèle le savait et redoublait de précautions. Le roi n’avait plus, en effet, que quelques jours à vivre ; il allait s’éteindre le 16 septembre 1824. Quelques années auparavant, au milieu des suspicions et des défiances qui s’attachaient au continuateur de la dynastie, au comte d’Artois, la crise aurait pu être grave ; elle ne l’était plus maintenant. Louis XVIII, — le seul prince qui depuis un siècle ait eu la fortune de mourir sur le trône en France, — pouvait descendre en paix au tombeau, laissant un pays tranquille, les institutions assez affermies pour être au-dessus des caprices, la dynastie incontestée[1]. Celui qui allait ceindre la couronne sous le nom de Charles X pouvait entrer dans le règne sans trouble, et, par une inspiration heureuse née du cœur du prince autant que de la nécessité, le nouveau roi se hâtait de donner une sorte d’élan à l’opinion rassurée et gagnée. Son premier mouvement avait été de révoquer la censure des journaux, précaution inutile à laquelle on avait cru devoir recourir pour faire la paix autour des derniers momens de Louis XVIII et pour protéger l’interrègne. Son premier mot était pour dire aux pairs et aux députés accourus à Saint-Cloud:

  1. M. de Metternich, en parlant d’ailleurs fort légèrement de Louis XVIII, dit dans ses Mémoires : — « Jamais avènement au trône n’a été accompagné en France d’un calme plus parfait que celui de Charles X, et, néanmoins, au moment de la mort de Louis XVIII, beaucoup de personnes redoutaient que cette crise n’amenât une secousse trop forte peut-être pour des bases aussi neuves que le sont celles de la monarchie restaurée au moment du décès du roi. Quelques royalistes timorés parlaient d’une proclamation, de la nécessité de se montrer aux troupes, de recevoir leur serment. M. de Villèle s’est opposé à toutes ces mesures ; le résultat a prouvé en faveur de ces calculs. » — (Mémoires de M. de Metternich, t. IV.)