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rejette avec un mépris hautain les sciences superstitieuses, dont il trouvait, comme on le voit par les mémoires de B. Cellini, plus d’un sectateur autour de lui. Ici j’insiste, il faut en finir avec le préjugé d’un Vinci préoccupé de magie, « initié au grand œuvre, » à la recherche « de la loi hyperphysique » qui livrerait à l’homme d’un seul coup toutes les puissances de la nature. Je ne sais rien de plus contraire à ce génie, dont la patience égale l’audace et la lucidité l’ambition. Il n’est pas une science chimérique qu’il ne frappe en passant. « Je veux faire des miracles ; — qu’importe que je vive longtemps en grande pauvreté, comme il arrive et arrivera éternellement aux alchimistes qui prétendent créer l’or et l’argent, et aux ingénieurs qui veulent que l’eau morte se donne vie à elle-même avec un perpétuel mouvement, et au fou suprême le nécromancien et l’incantateur. » L’étude de la mécanique et de ses lois l’a délivré lui-même de la chimère du mouvement perpétuel : « O spéculateurs du mouvement perpétuel, que de vains desseins en une telle recherche vous avez mis au jour, allez avec les chercheurs d’or ! » C’est l’avantage de la vraie méthode « qu’elle tient la bride aux ingénieurs, leur donne le sens du possible et les empêche de passer pour des charlatans et des fous. » Les alchimistes ont l’ambition « de créer de toutes pièces les choses simples et naturelles. » Mais ils ne tiennent pas compte des lois de la nature qui varie les causes selon les effets. « Interprètes menteurs de la nature, ils affirment que le vif-argent est la commune semence de tous les métaux, oubliant que la nature varie les semences, selon la diversité des choses qu’elle veut produire. » Léonard s’appuie ici sur l’expérience : acceptant la comparaison des alchimistes, il montre que la prétention de faire sortir tous les métaux du mercure est analogue à celle de faire sortir un pommier d’un chêne. Mais, dans l’alchimie, il entrevoit ce qu’elle a de fondé, la chimie moderne. « L’alchimie agit sur les produits simples de la nature, ce que ne peut faire cette nature qui n’a pas d’organes pour opérer, comme opère l’homme avec ses mains, et c’est ainsi qu’elle a produit le verre. » En un mot, ce qui reste de l’alchimie, ce n’est pas la prétention de créer l’or de toutes pièces ; c’est l’expérience qui rapproche les corps artificiellement et ses résultats constatés.

De la nécromancie, magie noire, magie blanche, rien n’est à garder. « De toutes les opinions humaines la plus folle à coup sûr est la croyance à la nécromancie, sœur de l’alchimie, » mais qui, elle, n’enfante que mensonges. « Bannière flottante, gonflée par le vent, elle guide la folle multitude qui sans cesse témoigne avec son aboiement des infinis effets de cet art. » Il y a des volumes