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ai une à Varsovie ; j’en ai une à Berlin ; j’en ai une à Boulogne ; j’en ai une qui marche sur le Portugal ; j’en ai une seconde que je réunis à Bayonne ; j’en ai une en Italie ; j’en ai une en Dalmatie[1], que je renforce en ce moment de 6,000 hommes ; j’en ai une à Naples. J’ai des garnisons sur toutes mes frontières de mer. Vous pouvez donc juger, lorsque tout cela va refluer dans l’intérieur de mes états et que je ne pourrai plus trouver d’allégeance étrangère, combien il sera nécessaire que mes dépenses soient sévèrement calculées. »


En effet, l’armée de Naples arrivait avec une année de solde arriérée et le roi de Naples devait y pourvoir.

Malgré ces embarras, le 27 octobre 1807, Napoléon disposait, par le traité de Fontainebleau, du Portugal avant qu’il ne fût conquis. En ne satisfaisant personne, il avait mécontenté l’Espagne, dont il avait besoin. Il commettait cette grave erreur de croire que des conscrits, assez mal encadrés dans des corps provisoires, pouvaient suffire pour envahir le Portugal, où ils devaient se heurter aux Anglais.

On dit que, jusqu’aux événemens de l’Escurial, il n’avait pas arrêté, dans son esprit, l’invasion de l’Espagne ; il n’y était entré jusque-là qu’en ami, en allié. Mais quand il eut amené à Bayonne la famille royale, quand il se fut emparé, par trahison, des Bourbons d’Espagne, et de leurs places fortes, il commit de nouvelles erreurs. Il ne sut pas prévoir la possibilité d’une insurrection générale, sa gravité dans un pays montagneux comme l’Espagne, la probabilité d’y rencontrer les troupes anglaises, et la difficulté de renverser tant d’obstacles divers, avec des conscrits.

Aussi, à la fin d’août 1808, toute la Péninsule, envahie si facilement en février et mars, était évacuée jusqu’à l’Ebre. Joseph, proclamé roi le 6 juin, entré en Espagne le 9 juillet, avait été forcé de quitter Madrid le 30 du même mois. Et, châtiment suprême, il écrivait à son frère, des bords de l’Ebre, le 9 août : « J’ai tout le monde contre moi, tout le monde sans exception… Je renonce à régner sur un peuple qui ne veut pas de moi. Mon rôle est insoutenable, puisque, pour soumettre mes sujets, il me faut en égorger une partie… Envoyez-moi une de vos vieilles armées, je rentrerai à sa tête dans Madrid, puis, je vous redemanderai le royaume de Naples… : »

Napoléon comprit qu’il était nécessaire, en effet, de recourir à

  1. C’est cette armée qui était destinée à s’emparer des provinces turques baignées par l’Adriatique. Jusqu’en 1814, son matériel demeura à Corfou.