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constitutionnel que cet amendement à la proposition Aldrich. M. Evarts ne fut cependant soutenu que par deux de ses collègues du parti républicain, et le sénat décida, par 34 voix contre 30, l’abdication du congrès, entre les mains du président de l’Union, de sa prérogative essentielle d’établissement des taxes.

Dans ces conditions, la chambre des représentans, lorsque le bill Mac-Kinley lui revint le 15 septembre, ainsi amendé, avait bien quelque raison d’examiner de près ce que l’on proposait à son approbation. Mais le speaker autocrate, M. Reed, ne l’entendait pas ainsi. Il n’accorda que deux heures pour la discussion de toute la question du tarif et ne permit pas de voter séparément sur chacun des amendemens du sénat. Il fallut passer au scrutin sur l’acceptation en bloc ou sur le rejet de tous les amendemens à la fois et sur le renvoi du bill à un comité de conférence. C’est à ce dernier parti que la majorité donna la préférence. Le bill, revenu du comité de conférence, dut à son tour être accepté ou rejeté dans son ensemble ; il fut accepté. En fait, la chambre n’eut aucune occasion d’exprimer son opinion sur la clause de réciprocité, sur celle des sucres ou sur tout autre amendement du sénat. Quant au comité de conférence, il avait docilement enregistré les décisions dictées par le speaker. « Pratiquement, dit The Nation, à propos de cet escamotage de discussion, la volonté du speaker a été substituée à l’action de la chambre. Alors pourquoi retenir à Washington 329 représentans ? »

Le tarif Mac-Kinley, sorti de ce long travail d’élaboration, est le tarif le plus protectionniste qu’ait jamais voté un congrès aux États-Unis. Lorsqu’on recherche les causes de l’animosité singulière que révèle l’ensemble de cette législation contre les importations de marchandises de l’étranger, on en trouve d’abord une qui n’a rien d’honorable : le contrat passé au moment de l’élection présidentielle de 1888 entre les leaders du parti républicain et la phalange des grands industriels qui allaient fournir le nerf de la guerre. Les manufacturiers donnant des millions pour la campagne électorale, les chefs républicains ont promis la protection à outrance afin que les manufacturiers pussent recouvrer sur la masse des consommateurs le montant des avances faites au parti. Le bill Mac-Kinley a été ainsi le paiement de la traite souscrite aux grands industriels au nom du parti républicain.

En dehors de cette explication, que les journaux démocrates ont répétée à l’envi et sur tous les tons, et qui n’est que trop vraisemblable dans une certaine mesure, il y a cependant d’autres motifs à découvrir, plus nobles, plus désintéressés. Le bill Mac-Kinley a été aussi le couronnement d’une longue série d’efforts, longtemps légitimes, pour émanciper l’industrie américaine de toute