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sous la sanction de peines d’une sévérité inconnue jusqu’ici du monde civilisé en matière douanière. Les détails du bill importent peu, sauf aux négocians qui ont à expédier des marchandises en Amérique et pour lesquels une lecture attentive du document est indispensable. À l’observateur désintéressé il suffit de constater que l’expéditeur est obligé de se lier, au moment du départ de sa marchandise, par des déclarations et des attestations d’une netteté qui laissent difficilement prise à la supercherie. Lorsque la marchandise est arrivée au port d’entrée, elle est soumise ainsi que les déclarations qui l’accompagnent à l’examen d’experts institués par la loi nouvelle et investis de pouvoirs que l’on avait à tort considérés comme absolument discrétionnaires. Ces experts jugent si les déclarations sont exactes ou suffisamment approximatives. S’ils constatent un désaccord entre l’état de la marchandise et les déclarations attachées, surgissent les pénalités, confiscations, amendes et prison. Mais l’importateur n’est point condamné sans appel par les experts. Il a recours contre leurs décisions devant les tribunaux ordinaires qui peuvent déterminer des contre-expertises et même autoriser le pourvoi devant la cour suprême.

Ce qui, dans ce bill, a excité un si vif courroux du monde commercial européen est avant tout la barbarie du système répressif qui y est édicté et qui semble hors de proportion avec la gravité des délits prévus. On oublie un peu la cause très sérieuse qui a provoqué l’adoption de pareilles mesures, pour n’en voir que l’aspect extérieur, qui en fait une sorte de factum de haine contre la production étrangère. Le bill en résumé est un chef-d’œuvre d’expédiens tracassiers pour décourager l’importation.


II

Le second, le vrai bill Mac-Kinley, celui qui a conquis à son promoteur une notoriété universelle, le bill du tarif, a été voté à la fin de septembre 1890 et mis en application le 6 octobre. Longtemps les démocrates ont retardé le vote final, usant de toutes les facilités d’obstruction que les usages parlementaires offrent aux minorités dans le congrès de Washington. Peut-être même eussent-ils réussi à empêcher le passage du bill si, dès le début de la session, le speaker de la chambre des représentans, M. Reed, un compatriote de M. Blaine, un homme du Maine, Yankee énergique, entêté, puissant de corps et de volonté, n’eût imaginé une nouvelle forme de clôture des débats contre laquelle les protestations les plus vives ont été vainement élevées pendant toute la durée du 51me congrès. La minorité avait l’habitude, lorsqu’elle voulait empêcher un vote d’aboutir, de s’abstenir au moment de la division,