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de la poussière de mica, chez Robert Herrick, qui meurt justement en 1674, la même année que la duchesse. Robert Herrick a été certainement au nombre des auteurs favoris des deux nobles époux, et il y avait de bonnes raisons pour cela. Il avait été royaliste ardent autant que clergyman anglican le fut jamais, — ainsi qu’en témoignent les pièces nombreuses adressées à Charles Ier, qu’il appelle le brave prince des cavaliers, à ses fils et à nombre de notoriétés du parti monarchique, — avait quelque peu souffert pour ses opinions après la chute de la royauté, et enfin avait exercé toute sa vie ses fonctions ecclésiastiques dans un coin de ce Devonshire où dominaient les Cavendish, cousins du duc. Nous venons de relire une bonne partie des Hespérides, le recueil de ses poésies, et il nous semble que les deux époux lui doivent beaucoup. Il y a telle pièce de Newcastle où il écrème la voie lactée pour faire des petits pots de custard à la bien-aimée et les neiges les plus blanches pour lui préparer des sorbets, qui rappelle les salades de roses, de lis et d’œillets qu’Herrick assaisonne, avec toutes les essences de la création, en l’honneur de ses amies vraies ou imaginaires. La dette de la duchesse est plus forte et de meilleur aloi. C’est à Shakspeare et à Ben Jonson qu’elle doit d’aimer les fées, mais c’est en toute évidence d’Herrick plus que d’aucun autre poète qu’elle a tiré sa manière de les peindre. Comme les meilleurs spécimens que je puisse donner des talens poétiques de la duchesse se rapportent aux fées, je placerai, malgré sa longueur, la description minutieuse des magnificences de la cour de ces capricieuses lilliputiennes sous les yeux de nos lecteurs, en engageant ceux d’entre eux qui sont familiers avec la langue anglaise à cher- cher, dans les Hespérides d’Herrick, les petites pièces intitulées la Chapelle d’Obéron, le Palais d’Obêron, la Fête d’Obéron, la Requête du mendiant à la reine Mab, — cette dernière un petit chef-d’œuvre.


LES PASSE-TEMPS DE LA COUR DES FEES.

La reine Mab et tout son petit peuple dansent sur une gentille taupinière: de beaux chalumeaux de paille elles tirent une douce musique, en observant avec justesse le temps et la mesure. Toutes, la main dans la main, en rond, en rond, elles dansent sur leur féerique domaine. Lorsqu’elle quitte sa salle de danse, la reine appelle ses suivantes pour l’accompagner à un bosquet où elle s’assied sous une fleur pour se mettre à l’ombre du clair de lune au trop vif éclat, et des moucherons chantent pour l’amuser. Pendant ce temps la chauve-souris vole d’ici et de là pour maintenir en ordre toute la bande. La reine se