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d’indiquer, elle n’avait eu garde de discuter des questions, encore moins de réclamer des privilèges en dehors de ses strictes fonctions et de sa compétence légale. Si elle ne faisait que poursuivre le recouvrement de son bien en revendiquant la direction et le jugement des concours, et, par suite, la tutelle des pensionnaires de la villa Médicis, elle s’abstenait, — et elle avait raison de s’abstenir, — en ce qui concernait l’École des Beaux-Arts, de toute immixtion dans les mesures à prendre. A l’époque où avait paru le décret impérial qui, en même temps qu’il dépossédait l’Académie, réorganisait l’enseignement à l’École, Ingres, Flandrin, d’autres encore, avaient pu protester ajuste titre contre le nouveau régime auquel on entendait soumettre ce grand établissement, parce qu’ils agissaient en cela non comme académiciens, mais comme professeurs. L’Académie, en tant que corps, n’aurait pas eu qualité pour combattre avec eux la réforme annoncée, et maintenant que cette réforme était accomplie, il ne lui appartenait pas davantage d’en condamner publiquement les résultats. Aussi dans son rapport au ministre, l’Académie prenait-elle soin de fixer les limites où elle entendait, et où elle avait entendu toujours, se renfermer. « Jamais, disait-elle, la quatrième classe de l’Institut n’a contesté le droit du gouvernement de régler, sans autre contrôle que celui de l’opinion publique, une école qui lui appartient. Elle ne prétend à aucune ingérence dans l’administration de cette école, pas plus que l’Académie des inscriptions ne prétend diriger l’École normale, ou l’Académie des Sciences, l’École polytechnique. »

Le décret rendu par le président de la république le 13 novembre 1871[1] achevait de consacrer cette distinction entre la mission spéciale de l’Académie et les conditions qui régissent l’École des Beaux-Arts. Il ne modifiait en rien l’organisation de celle-ci, mais il donnait pleine satisfaction aux vœux de la compagnie pour tout ce qui concernait le règlement et le jugement des concours, aussi bien que le patronage à exercer sur les pensionnaires de l’Académie de France, à Rome. Sauf le grand-prix de paysage historique, qui demeurait supprimé, et le maintien de la disposition par laquelle la durée du séjour des pensionnaires en Italie avait été réduite de cinq années à quatre, tout était rétabli de ce que l’on avait institué autrefois. En un mot, après une interruption de huit années, l’Académie des Beaux-Arts rentrait définitivement, il faut l’espérer, dans la possession de sa juste autorité et de ses privilèges fondamentaux.

  1. On remarquera que, soit hasard, soit coïncidence voulue, le jour où M. Thiers signait ce décret de restitution se trouvait être précisément le jour anniversaire de celui où le décret impérial avait dépossédé l’Académie.