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avait, sans plus de succès, essayé tour à tour d’autres combinaisons, et l’on avait fini, de guerre lasse, par se désintéresser à peu près d’une entreprise qui semblait de plus en plus condamnée à rester sans issue. Après tant de tergiversations et d’épreuves contradictoires, après tant d’années dépensées presque en pure perte, le devoir était impérieux, sans doute, de s’arrêter à une résolution ferme et de convertir enfin en actes des projets si longtemps incertains. C’est ce à quoi Halévy, soutenu dans sa tentative de réforme par une commission entièrement renouvelée[1], s’employa avec assez d’activité pour que la première livraison de ce dictionnaire jusqu’alors problématique pût paraître dans le cours de l’année 1857, et que, avant la fin de l’année suivante, le premier volume de l’ouvrage, composé de près de quatre cents pages à deux colonnes et comprenant plus de la moitié des mots de la lettre A, fût achevé et livré au public.

Était-ce donc que la méthode suivie pour la constitution de ce premier volume engageât si irrévocablement l’avenir qu’aucune modification ne pût être utilement introduite dans la pratique des règles qu’on s’était faites ? A vrai dire, il n’en allait pas tout à fait ainsi. Malgré la décision relative avec laquelle le nombre des sujets à traiter avait été réduit et le plan de l’ouvrage simplifié, plus d’une trace subsistait dans la publication récente des hésitations ou des imprudences anciennes. Quelque bonne volonté qu’eût eue l’Académie d’écarter du recueil en formation les questions ne se rattachant qu’indirectement à l’art et aux moyens qu’il emploie, elle n’y avait pas toujours réussi. Certains articles ayant pour objet l’analyse de tel sentiment, de telle passion, dont on trouve l’image plus ou moins fidèle dans des œuvres peintes ou sculptées, d’autres articles consacrés à la mémoire de quelques héros de la fable ou de l’histoire, venaient interrompre l’ordre et compromettre l’équilibre des enseignemens que l’on s’était proposé de fournir. En réalité, il y avait là trop ou trop peu. Puisqu’on avait jugé opportun, par exemple, de donner la définition du mot Abattement ou celle du mot Abandon, sous le prétexte apparemment que les états de l’âme ou de l’esprit exprimés par ces mots peuvent recevoir leur figuration pittoresque ou plastique, pourquoi avoir

  1. Les membres appelés par l’Académie à former cette commission étaient, — avec Halévy, qui, comme secrétaire perpétuel, en faisait partie de droit, — pour la peinture, M. Couder ; pour la sculpture, M. Simart ; pour l’architecture, M. Lebas ; pour la gravure, M. Gatteaux, et pour la musique. M. Reber. En outre, un auxiliaire, choisi en dehors de la compagnie. M. Vinet, avait été adjoint aux membres titulaires pour les recherches archéologiques et pour la préparation de certains articles sur des sujets de pure érudition ou d’histoire. Plus tard, et même avant l’époque où il appartint officiellement à l’Institut, M. Albert Lenoir fut chargé d’une tâche analogue, au grand profit, d’ailleurs, de l’œuvre à laquelle il participa jusqu’à sa mort.