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sans doute, que dans l’enseignement classique, mais suffisamment maintenue par l’étude du français, auquel on joindrait l’histoire, la géographie et les premiers élémens des sciences, indispensables à tous. La première période de cet enseignement étant ainsi accomplie, les enfans qui s’y limitent se disperseraient comme aujourd’hui, mais avec une connaissance plus solide des langues modernes et des élémens des sciences.

La seconde période qui s’ouvrirait ensuite devrait également être organisée de façon à répondre aux besoins des familles et aux vocations scientifiques, et à conduire les enfans soit vers les carrières techniques, soit vers la préparation aux écoles. Telle que je la conçois, elle reposerait principalement sur l’étude des sciences, sans exclure un certain degré de culture littéraire ; celle-ci, d’ailleurs, étant désormais subordonnée.

En même temps que ces études aboutiraient aux écoles où la culture est surtout mathématique, peut-être pourrait-on, avec certaines précautions, leur ouvrir une seconde issue vers les carrières des sciences naturelles ; carrières auxquelles on parviendrait d’ailleurs aussi par la voie de l’éducation classique ordinaire. Il y aurait là des ponts à établir, c’est-à-dire des passages entre les deux ordres d’enseignement, passages dont le caractère et l’étendue ne sont pas encore suffisamment étudiés pour en parler ici. L’esprit des enfans, ainsi dirigé, trouverait dans cette seconde période des formules éducatrices nouvelles, non moins essentielles au point de vue de la culture générale de l’esprit humain que les formules purement littéraires. Ce point de vue n’a pas été généralement compris jusqu’à présent dans les discussions relatives à l’enseignement secondaire et je vais essayer d’en montrer le véritable caractère et l’importance capitale.


V. — LA SCIENCE ÉDUCATRICE.

Le rôle des sciences dans l’éducation générale de l’esprit humain et dans les progrès de la civilisation a été souvent méconnu par les pédagogues, cantonnés dans les formules traditionnelles de l’enseignement classique. Je me rappelle avoir assisté, il y a un quart de siècle, à une conversation entre M. Duruy, alors ministre de l’instruction publique, et un inspecteur-général des études, que je ne veux pas nommer ici. M. Duruy, esprit ouvert au progrès, parlait de l’importance des sciences expérimentales et de la nécessité de les faire intervenir pour une plus large part dans l’enseignement ; il apercevait les notions à la fois pratiques et philosophiques qui se dégagent de leur étude. Mais le cuistre, son interlocuteur, fermé aux idées générales et méprisant des résultats