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rémunéré. La diminution du nombre des bras doit être en partie compensée, dans les grandes exploitations, par l’emploi des machines, dont le maniement exige un personnel plus habile, qui, naturellement, se fait payer plus cher. Il est donc exact que, dans les Irais de culture d’un hectare, la main-d’œuvre figure pour une proportion plus considérable depuis vingt ans. Avant de recourir à l’assistance d’un tarif, ne conviendrait-il pas d’examiner si cette émigration des campagnes vers les centres industriels ne devrait pas être attribuée pour une certaine part au régime même de la protection et s’il n’y aurait pas également quelque reproche à adresser aux municipalités des grandes villes? — La protection, en surexcitant la production dans les périodes de prospérité, attire les ouvriers vers les villes, les réunit en grand nombre, expose les patrons à leurs exigences quant au salaire et facilite des grèves. La répartition naturelle de la population est ainsi désorganisée au préjudice de tous les intérêts, y compris l’intérêt social. D’un autre côté, dès que le chômage ou un sérieux ralentissement se produit dans une ville populeuse, à Paris, à Lyon, etc., le conseil municipal crée des travaux avec un budget extraordinaire, alimenté par l’emprunt. Il entreprend des travaux prématurés et souvent inutiles, à seule fin de donner de l’ouvrage et de distribuer des salaires. Mieux encore, le conseil municipal de Paris croit devoir fixer un minimum du prix de la journée. Cette philanthropie électorale a pour effet d’attirer un trop grand nombre d’ouvriers, de les retenir quand le travail manque, de fausser le taux normal des salaires, de faire le vide dans les champs et de rendre très difficiles, à certains momens, les conditions de l’industrie. Voilà les inconvéniens auxquels il faut parer, et il ’y a de remède que dans une bonne administration et dans une meilleure entente des lois économiques. Le tarif des douanes n’y peut rien. Il amènerait, au contraire, s’il est surélevé, une augmentation dans la dépense de la main-d’œuvre, au grand dommage des patrons et sans profit pour les ouvriers.

Quelle est, en effet, la conséquence nécessaire de toute mesure qui augmente le prix des subsistances et des autres consommations? C’est la hausse des salaires. A côté et même au-dessus de la loi économique de l’offre et de la demande se pose la question du coût de la vie. Quoi qu’il arrive de l’offre ou de la demande du travail, le salaire de l’ouvrier qui loue le service de ses bras ne peut pas descendre, théoriquement ni en fait, au-dessous du taux indispensable pour qu’il vive. Dès lors, une augmentation de tarifs sur les denrées alimentaires et sur les produits de consommation courante aboutit infailliblement, comme toute autre charge, comme un impôt, à l’élévation du prix de la main-d’œuvre, dans les campagnes