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En se plaçant à ce point de vue, on peut considérer comme démontré que dans certaines conditions plusieurs personnes, et notamment celles qu’on appelle des médiums, arrivent à exprimer de différentes façons, et souvent sans en avoir conscience, une pensée qui n’est pas la leur.

Les adeptes de la doctrine admettent sans difficulté que cette pensée provient des esprits, et que ceux-ci emploient les médiums comme instrumens pour entrer en relation avec des personnes vivantes. Nous n’avons pas à rechercher ce que sont les esprits, ni s’ils existent ; c’est un côté de la question qui ne nous appartient pas, et que nous négligeons volontairement.

Les conditions dans lesquelles les médiums opèrent ont varié avec les époques. Au début du spiritisme, les prétendus esprits communiquaient avec les vivans en frappant des coups dans les meubles ou dans les murs. On convenait, paraît-il, avec eux qu’un coup frappé voulait dire oui, deux coups voulaient dire non, et ainsi de suite ; de cette façon, on pouvait les interroger et lier conversation avec eux. Quelle était la nature de ces bruits ? Comment se produisaient-ils ? On ne l’a jamais su au juste. Passons. Bientôt les esprits ont adopté d’autres moyens pour se faire entendre : d’abord, ils ont eu recours à une table, sur laquelle plusieurs personnes posent leurs mains ; la table tourne, son pied se soulève, frappe le sol, et, d’après le nombre des coups frappés, on peut connaître la pensée des esprits. Ici, nous comprenons mieux ce qui se passe, car il a été démontré que les opérateurs communiquent une impulsion à la table, sans en avoir conscience et en restant d’une parfaite bonne foi. Enfin, par une dernière simplification, on a supprimé la table et on a placé dans la main du médium une plume qui s’est mise à écrire toute seule, sous la dictée de l’esprit, sans que le médium eût conscience de ce qu’on lui faisait écrire. C’est sous cette forme que l’interrogation des esprits s’est pratiquée couramment, et nous nous en tiendrons à cette dernière expérience, dont nous allons essayer de faire l’analyse psychologique.

Depuis longtemps, les adversaires du spiritisme, ceux du moins qui ne l’ont pas simplement combattu en accusant les spirites de supercherie, ont cherché à mettre en lumière l’importance et la force des mouvemens inconsciens que chacun de nous peut exécuter ; et on a pensé même que l’écriture des médiums résulte de mouvemens de cet ordre.

M. Chevreul, qui est entré le premier dans cette voie, a fait une expérience aujourd’hui bien connue et souvent répétée, l’expérience du pendule explorateur. Si l’on tient au bout du doigt un pendule, composé d’un anneau suspendu par un fil, et qu’on soit