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C’est à la même conclusion qu’aboutissent les expériences de M. Pierre Janet sur la division de conscience, et il est intéressant de voir des observateurs qui travaillent dans un esprit complet d’indépendance arriver au même point sans s’être cherchés. M. Janet a montré le parti qu’on peut tirer des procédés de distraction pour savoir ce que deviennent les perceptions interdites par suggestion. Nous avons dit déjà que si l’on parle à voix basse à une personne pendant un état de distraction, on peut arriver à se mettre en relation avec la seconde personnalité qui est en elle sans que la première s’en doute. On peut entretenir une conversation suivie avec cette seconde personnalité, obtenir d’elle des réponses écrites et avoir des renseignemens sur ses états de conscience, notamment sur ses perceptions. L’emploi de ce procédé d’étude montre que lorsqu’une personne obéit à la suggestion de ne pas percevoir un objet, la perception interdite passe dans le domaine de la personnalité seconde. Donnons, par exemple, à une hystérique l’ordre de ne pas voir au réveil une photographie qui est placée devant elle sur la table ; nous pourrons nous assurer que, tandis que la malade (personnalité prime) déclare qu’elle ne voit rien et qu’il n’y a rien sur la table, la seconde personne voit le portrait et peut le décrire dans tous ses détails. C’est donc elle qui a accaparé la perception de l’objet. La personne A ne le voit plus, la personne B continue à le voir. La suggestion n’a rien détruit, elle n’a fait que déplacer un état de conscience.

Nous n’affirmerons pas que tout le problème soit éclairci par les expériences précédentes ; bien des points restent encore obscurs ; mais on ne peut manquer d’être frappé par l’accord des observations, et il est curieux de voir des auteurs qui, comme M. Bernheim, après avoir soutenu avec une grande énergie qu’il n’y a que de la suggestion dans toutes les expériences psychologiques par l’hypnotisme, viennent cependant apporter, eux aussi, leur preuve à la théorie de la division de conscience.


IV

Il nous reste à parler d’une dernière forme que peut revêtir le phénomène de la division de conscience : c’est le spiritisme.

Obligé de traiter ici en quelques mots une question très complexe, nous devons nous en tenir à l’essentiel, négliger tout ce qui est accessoire et, anecdotique et chercher à dégager les faits fondamentaux qu’on retrouve à peu près dans toutes les expériences dites spiritiques.