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aussi contradictoires, celui qu’à l’âge de quarante-cinq ans le sénat d’Utrecht, en créant l’Université destinée à tant d’éclat, appela spontanément à la chaire de théologie et de langue hébraïque.

Peu de temps après, Leroy, dont le nom fut latinisé et devint Regius, obtint, après de pressantes sollicitations, le partage de la chaire de médecine, dont le titulaire ne pouvait remplir seul tous les devoirs. Sans repousser Régius, il aurait accepté volontiers pour adjoint l’un ou l’autre des deux concurrens qu’on lui opposait, et qui, tous deux, avaient bonne renommée. Régius, pour obtenir les suffrages, dut se faire bien venir de tous et se garder, surtout, de laisser deviner les luttes que son enseignement ne pouvait manquer de faire naître. Loin de se déclarer ami des nouveautés, Régius, pendant sa candidature, se montra respectueux de la tradition. Lorsque Voet, rendu inquiet par quelques indices, lui demanda une profession de foi, ils se trouvèrent d’accord sur tous les points et s’embrassèrent en se quittant. Régius fut nommé; et, pendant plus d’une année, ses relations avec Voet témoignèrent en toute occasion d’une excellente confraternité. Ce début, qui pourrait le croire? a été reproché à Voet, qui, suivant Descartes, témoigna d’abord à Régius une fausse amitié, pour le surprendre plus aisément lorsqu’il ne serait plus sur ses gardes.

Voet et Régius, dans leur premier entretien, ont abordé les questions qui plus tard devaient les diviser. Voet était orthodoxe et péripatéticien ; Régius admirait les théories de Descartes. Ni l’un ni l’autre n’ont changé ; ils se trouvent cependant complètement d’accord! L’un des deux, évidemment, a dissimulé sa pensée. Voet était le juge, Régius désirait son suffrage et l’a obtenu; c’est de lui, — l’évidence est entière, — que sont venues toutes les concessions. Comment les a-t-il conciliées avec sa conscience? Lui seul peut le savoir. Le masque a disparu, Voet s’en est indigné ; il est inique de le lui reprocher. La philosophie de Descartes, disait Voet, est dangereuse et nuisible aux études. C’est son opinion, il a raison de la dire. Les académies doivent la repousser : Philosophiam Cartesii esse ineptam studiis prœsertim iheolugiœ et periculosam; in academias minime recipiendam censeo.

Régius, professeur de médecine, chargé plus particulièrement d’enseigner la botanique, pouvait adopter les principes de Descartes, étudier et propager ses découvertes, sans modifier en rien l’enseignement qu’on attendait de lui. Mais il associait à beaucoup de prudence une ardeur enthousiaste pour les idées nouvelles ; non content de s’inspirer, dans l’enseignement de la médecine, du maître qui, sur tout problème, avait une solution, il aspirait, dût-il contredire ses collègues, à exercer, dans un cercle moins