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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier.

Comme la dernière année a fini, l’année nouvelle a commencé sous les mêmes influences, sous l’astre clément, quoique un peu froid et un peu terne, de la paix. Le passage de 1890 à 1891 s’est fait sans contretemps, sans accident et à peu près sans bruit dans l’Europe entière aussi bien qu’en France. Cette année nouvelle, qui est déjà vieille de quinze jours, a vécu ses premières heures en toute tranquillité ; elle ne nous a porté ni promesses bien séduisantes, ni pronostics trop inquiétans, et, si ce n’était l’imprévu, l’obscur et insaisissable imprévu qu’elle peut toujours garder en réserve, elle semblerait destinée à passer encore une fois sans troubler et sans étonner le monde. On verra bien ce qui en sera. En attendant, à en croire l’apparence des choses, on n’en est pas aux agitations, aux grands conflits, aux perspectives troublantes. Il y a certainement partout assez d’affaires, assez de problèmes délicats ou profonds pour alimenter les discours et les polémiques, pour tenir en éveil la vigilance soucieuse des esprits réfléchis et prévoyans. On ne se hâte pas de s’émouvoir de tout ; le goût de la paix, qui est universel, est aussi une force. C’est le goût du moment, — et pour la France particulièrement, pour la France qui entre avec toute sa bonne volonté dans l’année nouvelle, qui retrouve aujourd’hui son parlement, ce n’est pas la dernière élection sénatoriale qui l’a sérieusement émue et agitée.

C’est toujours, assurément, une affaire grave que le renouvellement d’une des deux assemblées, puisqu’il est plus ou moins une manifestation des sentimens publics et qu’il peut avoir son influence sur la politique du pays. Par le fait, cependant, s’il faut tout dire, ces dernières élections sénatoriales ont passé sans remuer sensiblement l’opinion ; elles l’ont à peine effleurée. Est-ce parce que l’expression d’un suffrage limité et partiel est moins saisissante, moins faite pour intéresser le pays ? Est-ce parce que d’avance on n’attendait rien d’extraor-