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le messager, le courlieu d’Hellequin, qui annonce l’approche des fées. Qu’est-ce que cet Hellequin ? Bien des textes, de Vincent de Beauvais, de Guillaume de Paris, d’Etienne de Bourbon nous parlent de cette familia Allequini, de ces milites Herlequini. Dans Renart le Nouvel, dans le Mariage des filles au Diable, dans le Roman de Fauvel reparaît la mesnie Hellequin. Ce n’est pas ici le lieu d’étudier sa légende. Grimm a montré, dans sa Mythologie allemande, l’identité d’Hellequin et de sa mesnie avec le Chasseur noir et le wütendes Heer des légendes germaniques. Souvent, la nuit, dans les bois, on aperçoit des signes étranges ; des voix surhumaines retentissent. C’est la chasse maudite, c’est le veneur sauvage qui passe, « à merveilleuse noise, à horrible bruit de grant multitude. » Cette légende paraît s’être spécialement localisée en Normandie et s’être attachée par une fantaisie étymologique au souvenir du roi Charles-Quint de France. Le fils de Robert le Diable, le duc Richard sans Peur, chassant un jour dans la forêt de Moulineaux-sur-Seine, l’avait vu mener sa chasse. Il eut le courage de l’approcher. C’était le roi Charles-Quint, qui, en punition de ses anciennes fautes, devait ainsi chasser trois fois par semaine dans ces bois ; puis, dans la même nuit, quand matines sonnaient à l’église Sainte-Catherine du mont Sinaï, toute la mesnie, emportée à travers les airs, « cinglant comme vent et tempête, » se trouvait tout à coup dans une plaine de Palestine : une armée de Sarrasins fantômes l’y attendait, qu’il fallait combattre jusqu’au jour. Le duc Richard est, lui aussi, transporté sur un manteau enchanté jusqu’à l’église du mont Sinaï : on se souvient avec quel charme Boccace a redit cette légende du Manteau merveilleux. Un conte normand du XIIIe siècle, récemment publié, nous dit comment une vieille sorcière, Luque la Maudite, à son lit de mort, fit appeler Hellequin pour l’épouser. Hellequin, avec trois mille messagers d’enfer, s’élance par les bois pour chercher sa vieille fiancée : s’esbanoiant avec des bâtons de fer, faisant tourner follement les ailes des moulins, sa troupe chavire les nefs à sel, fait un « tournoiement » dans les forêts, force la porte des églises et s’en échappe par les verrières. — Toutes ces « diableries » sombres, Adam ne les retient pas ; Hellequin n’est pas pour lui que « le plus grand prince qui soit en faërie ; » il ne nous montre qu’un de ses messagers qui vient présenter aux fées les hommages amoureux de son maître : Hellequin « aime Morgue par amour, » comme Obéron aime Titania.

Les trois fées, Morgue, Arsile, Maglore, apparaissent enfin. Comment Adam se les représentait-il ? Il nous dit simplement, avec cette constante sécheresse qui donne à toute sa pièce l’apparence