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On dira peut-être encore : les Universités sont incompatibles avec les principes généraux de notre droit public. Ce serait mal entendre ce qu’elles peuvent être, ce qu’elles doivent être, ce qu’elles demandent à être. Outre qu’elles n’auront que la constitution que le législateur voudra bien leur donner, que redouterait-on de leur venue ? Un retour à l’ancien régime ? Mais nul ne s’est avisé et nul ne s’avisera de réclamer pour elles les privilèges qui furent ceux des Universités d’autrefois. Les professeurs paient et paieront les taxes comme tous les citoyens. Les étudians ne font pas et ne feront pas, comme jadis, entrer en franchise le vin de leurs récoltes. Maîtres et élèves sont et resteront justiciables du droit commun, n’ont et n’auront de juridiction spéciale que pour les fautes contre la discipline. Je ne crois pas non plus qu’ils soient disposés, comme autrefois, à en appeler, à l’occasion, au pape, contre le prince. Ils sont hommes de leur temps et citoyen français. Et si ce mot d’Universités remis en circulation a çà et là éveillé d’antiques réminiscences et provoqué de singuliers anachronismes, ce n’est pas chez eux, c’est à côté d’eux. Mais cela ne tire pas à conséquence. Qu’importe, par exemple, que le jour de Pâques dernières, un évêque ait dit en chaire : « Je garde mon titre de chancelier de l’Université, on ne peut pas me l’ôter ? » Ce n’est pas chez lui pour cela que le recteur fera signer les diplômes.

Les droits de l’État ne sont pas davantage on péril ou en question. Les futures Universités ne demandent pas la séparation, et je crois qu’elles auraient de bonnes raisons pour la refuser si, par impossibles, elle leur était offerte. C’est pour l’Etat et à ses frais qu’elles cultiveront la science. C’est en son nom qu’elles l’enseigneront. Par suite, elles seront naturellement soumises à son contrôle, à sa tutelle. Elles n’auront pas : l’impertinence de dire ou de penser : de tous vos fonctionnaires, je ne puis connaître qu’un, celui qui paie. Elles lui rendront donc compte, non-seulement de l’emploi de ses deniers, mais aussi, de leurs travaux, de leur vie, de leurs progrès. Elles ne se recruteront pas sans lui et contre lui.

De son côté, l’État ne se dépouillera d’aucune prérogative en leur donnant la personnalité civile, comme l’ont déjà les Facultés, en les laissant maîtresses de leurs biens, comme les Facultés le sont déjà en leur permettant de recevoir de toute main, comme font déjà les Facultés, en leur donnant la pleine indépendance scientifique et tout ce qu’elle entraîne de franchises administratives et en les laissant, à leur gré, avec des traits communs à toutes, prendre des physionomies propres, en rapport avec les coins de France où elles seront placées. Elles ne seront donc ni des » états dans l’État, ni des églises dans l’État. Elles seront des organes