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doctrine est conforme aux programmes déterminés par le ministère de l’instruction publique ; on le connaît ; je n’ai donc pas à en parler. La maison est construite et aménagée pour recevoir 350 élèves ; lorsque je l’ai visitée, elle en contenait 130, obéissant à 16 professeurs ; on attendait une recrue de 50 écoliers ; peu à peu le nombre réglementaire sera atteint et les classes seront au complet. Nulle rétribution n’est exigée, l’admission y est absolument gratuite ; on peut arriver nu, la lingerie, la cordonnerie, le vestiaire, se chargent de nipper, de chausser, d’habiller « le nouveau. » La lingerie m’a étonné par sa richesse ; en voyant les bas de laine mis en réserve pour l’hiver, je me suis souvenu des bas de coton chinés blanc et bleu que nous portions, réglementairement en toute saison, lorsque j’étais au collège. Un détail m’a surpris ; les enfans ne changent de linge que le dimanche, comme les paysans ; tradition de la vie agricole que je voudrais voir répudier. Économie de blanchissage, mauvaise économie. On pourrait adopter, à cet égard, le règlement des lycées et renouveler le linge deux fois par semaine, ce qui n’a rien d’excessif.

On ne reçoit dans la maison que des orphelins, c’est-à-dire des enfans qui se présentent munis de l’acte de décès de leur père et de leur mère ou de l’un des deux. J’aurais voulu une hospitalité plus large et je crois qu’il serait humain, — qu’il serait chrétien, — d’accueillir ceux qui ne peuvent fournir l’acte authentique que l’on exige, puisqu’ils sont nés de parens restés inconnus, puisqu’ils sont nés orphelins. Ici même j’ai déjà effleuré cette question, qui me tient au cœur, car je la trouve injustement résolue par plus d’un bienfaiteur et par quelques institutions secourables. Frapper le bâtard d’exclusion, c’est être un peu bien féodal en nos temps démocratiques où l’homme ne vaut que par lui-même. De combien de préjugés ne sommes-nous pas encore obstrués et que d’efforts pour les vaincre sans parvenir à nous en dégager ! Il y a longtemps déjà que Stendhal a écrit : « Enfans trouvés, pauvres enfans, dont la misère est encore plus sacrée que celle des autres. » En quoi « le champi » a-t-il démérité de la charité, en quoi est-il coupable ? Au lieu de lui demander d’où il vient, la compassion, j’entends la compassion intelligente, doit lui dire : Où vas-tu ? et le guider dans le droit chemin que nulle main ne lui indique, où nulle tendresse ne le dirige. La faute est personnelle ; quelle faute a-t-il commise ? La responsabilité, sous aucun prétexte, ne doit retomber du père au fils. La duchesse de Galliera, qui a fondé cette maison, était une femme pieuse, les frères qui la dirigent font profession de religion ; doit-on leur rappeler les livres saints ? ont-ils oublié ce que Dieu dit à Ézéchiel : « Toutes les âmes sont à moi ;