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rôle allait s’amoindrissant, elles affectaient des allures plus martiales, « elles se donnaient des fifres, des tambours, d’inoffensifs canons, de brillans uniformes, des plumets et des panaches. » Aujourd’hui les corps de métiers ont tout à fait disparu ; mais les sociétés de tir qui subsistent encore en Belgique sont surtout restées fidèles aux traditions des banquets et des libations déjà si chères à leurs devancières.


II

L’insignifiance et le manque absolu d’originalité des tableaux de corporations dans les Flandres tiennent à la constitution même de ces sociétés, à leur effacement vis-à-vis de l’autorité politique ou religieuse. Tandis qu’elles y demeurent jusqu’au bout de véritables confréries, elles ont en Hollande une physionomie tout à fait différente. Si, par suite d’un développement plus tardif du commerce et de l’industrie, elles n’y sont pas tout d’abord aussi multipliées, elles arrivent bientôt à conquérir une place beaucoup plus considérable dans la vie publique. Associées au mouvement populaire, elles sont avant tout nationales et indépendantes. Aux prises avec des difficultés plus grandes, elles montrent une énergie et un courage supérieurs et contribuent pour une large part à assurer la liberté et la grandeur de leur pays. Ainsi que nous l’avons dit, à raison de leur importance, nous nous contenterons de nous occuper ici des corporations militaires qui d’ailleurs ont précédé les autres et leur ont généralement servi de modèles. Comme en Flandre, elles ont eu une origine religieuse, et les premières œuvres qu’elles inspirent à l’art ont un caractère religieux. De pareils ouvrages avaient été sans doute assez nombreux dans les églises des provinces septentrionales, mais presque tous ont disparu en 1566, pendant la terrible tourmente de la destruction des images qui amena en peu de jours la ruine de ces églises et de toutes les richesses artistiques qu’elles possédaient[1].

Favorisées, au début, par le clergé, les confréries militaires avaient pris un accroissement rapide. Dès 1310, nous trouvons établi à Harlem un ordre de Saint-Jean de Jérusalem et les portraits de plusieurs de ses dignitaires sont aujourd’hui exposés au musée municipal de Harlem. Le dimanche des Rameaux de l’année 1394, Willem, soigneur d’Abcoude et de Duursteede, fondait à

  1. Dans notre siècle même, la barbarie et l’insouciance des municipalités ont encore contribué à la perte de ces peintures primitives. C’est ainsi que le catalogue du musée d’Utrecht nous apprend que, dans cette ville, les régens de l’hôpital Saint-Job firent vendre publiquement, le 8 juillet 1811, tous les tableaux contenus dans cet hôpital pour une misérable somme de 61 florins.