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réalisation de ce progrès ; ce serait reculer indéfiniment la solution du problème que d’en abandonner au parlement la préparation et l’étude. » — L’orateur sera bref ; aussi bien, le règlement ne lui permet pas de donner à sa pensée les développemens que comporterait le débat ; d’ailleurs, le siège de chacun est fait. Il se bornera à exposer que les chambres britanniques se recrutent parmi les banquiers, les propriétaires, les lords, les ducs, et que cet ensemble de législateurs ne s’intéresse que médiocrement à la question ; au surplus, il y a d’autres considérations en jeu. L’assemblée veut-elle renier les principes de ses fondateurs ? Veut-elle jeter bas l’édifice élevé par les ancêtres, détruire l’union de toutes les branches du labeur national ? La discussion continue, un peu confuse et heurtée. Des membres prennent successivement la parole pour attaquer ou défendre l’une ou l’autre des deux résolutions en présence. M. Ben Tillett, de Londres, partisan de l’intervention parlementaire, rappelle habilement les divisions et les défiances du vieil unionisme, à l’époque où Bright et Cobden, animés de la plus généreuse initiative, arrachaient aux communes la modification des lois sur les fabriques. Non, ces grands citoyens ne sont pas morts tout entiers ; ils ont laissé des disciples : il ne faut pas désespérer des représentans du pays. Mais M. Holmes, parlant au nom de milliers d’ouvriers du tissage, combat énergiquement la motion Marks : « Tant que les conditions du travail sur le continent ne seront pas changées, les industries textiles n’accepteront jamais la limitation obligatoire. Huit heures, soit ; obtenez la réforme pour vous et par vous, ne nous l’imposez pas. » À la chaleur de son accent, à la fermeté de son attitude au milieu de l’orage que soulèvent ses déclarations, on sent que l’opposition des tisseurs est irréductible et que le schisme éclatera de ce côté-là. Deux mineurs, également opposés à toute réglementation, expliquent au congrès que, dans le Yorkshire et le Durham, les hommes de leur corporation ont obtenu, sans le secours de qui que ce soit, la diminution rationnelle des heures. Un délégué fantaisiste résume son sentiment en citant le refrain de la chanson populaire :

Eight hours’ work, eight hours’ play,

Eight hours’ sleep, eight bobs a day.
Huit heures de travail, huit heures de récréation,

Huit heures de sommeil, huit shellings par jour.

Cependant, les députés ouvriers, restés jusque-là silencieux, ne veulent pas que la délibération prenne fin sans que leur voix soit entendue. M. Abraham se prononce pour l’action législative ; il faut affirmer le principe, dit-il, nous changerons ensuite le parlement