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femmes, à leurs enfans. Ce n’est pour eux qu’une ressource complémentaire sur laquelle ils fondent peu d’espérances. Ils estiment donc plus simple de réclamer des droits protecteurs que de se donner la peine de planter de nouveaux mûriers et de chercher à obtenir de bonnes graines à bas prix. Si des droits protecteurs devaient les sauver sans compromettre d’autres intérêts plus considérables que les leurs, il n’y aurait pas d’inconvéniens à les instituer, mais il est manifeste qu’il n’en va pas ainsi.

Tous les sériciculteurs reconnaissent qu’un droit d’entrée sut les cocons sans un droit d’entrée sur les soies grèges ne leur serait d’aucune utilité. Ils demandent donc un droit d’entrée de 8 francs par kilogramme de soie. Les conséquences d’un droit semblable-sont faciles à établir.

En 1888, on a fait l’expérience d’un droit très léger sur les soies italiennes, 1 franc sur les grèges et 2 francs sur les ouvrées. Or, ce droit a suffi pour faire fléchir de près de moitié les importations de soies italiennes, et ces soies sont d’un prix élevé. Un droit de 8 francs sur l’ensemble des soies étrangères et notamment sur celles qui valent 40 francs, 35 francs et 30 francs, serait donc la prohibition pure et simple de ces soies. Mais alors où s’alimenteraient de matières premières nos industries du moulinage et des tissages qui fournissent en France le salaire quotidien de plus de 300,000 ouvriers ?

Les sériciculteurs prétendent qu’ils leur fourniront rapidement les soies dont ils auront besoin, parce que, le prix du cocon devenant rémunérateur, on replantera des mûriers, on mettra en culture une plus grande quantité de graines. Mais, si le mûrier pousse rapidement, il lui faut encore une vingtaine d’années pour être en pleine production.

D’après les statistiques officielles, nos mûriers donnent un peu< plus de 2 millions de quintaux de feuilles, c’est la nourriture nécessaire pour l’élevage des 250,000 onces de vers à soie mises en éclosion. On répondra que cette statistique représente la production de feuilles consommées, mais les mercuriales des marchés-établissent non moins clairement que c’est à peu de chose près la quantité de feuilles utilisables, car les feuilles se vendent à certains momens jusqu’à 10, 12 et 15 francs le quintal, prix exorbitant. Si l’offre dépassait ou seulement égalait la demande, il est évident que les fouilles descendraient à 5 et 6 francs, prix normal sur le marché. Et, en supposant même que nos plants de mûriers soient assez nombreux pour permettre d’élever un plus grand nombre de vers à soie, comme le prétendent certains sériciculteurs, c’est un fait hors de conteste que ces plants sont mal distribués