Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/760

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« monument de la reconnaissance, élevé, disait-on, sur un socle éternel. » Socle et statue, pourtant, durèrent assez peu, au moins là où ils avaient été érigés, c’est-à-dire au centre de l’espèce de cella que forme l’emplacement réservé aujourd’hui au bureau. L’un et l’autre, au bout de huit ans, disparaissaient de la salle des séances publiques pour rester, jusqu’à la fin de la Restauration, relégués dans un magasin destiné à recevoir les objets mobiliers de rebut. Retirée de ce cachot sous le gouvernement de Juillet, la statue de Napoléon fut installée, tant bien que mal, au fond du vestibule qui s’étend derrière la salle des séances, et dans lequel, par un assez étrange rapprochement, elle figure entre les images de Molière et de La Fontaine.

Peu après l’époque où l’Institut rendait avec tant d’empressement à l’empereur l’hommage que nous venons de rappeler, la classe des beaux-arts s’occupait de remplir une tâche à tous égards moins facile et qui, imposée aussi aux autres classes, exigeait peut-être plus de travail et plus d’efforts d’impartialité encore que n’en avait coûté le rapport présenté en 1808 sur le mouvement des arts depuis 1789 : je veux parler de l’examen des ouvrages admis aux concours pour les prix décennaux.

Par un décret rendu en 1805 pendant son séjour à Aix-la-Chapelle, Napoléon avait institué ces prix, destinés à récompenser, « de dix ans en dix ans, les meilleurs ouvrages qui auront été produits dans les sciences, les lettres et les arts ; » et, par un second décret daté du 28 novembre 1809, à Paris, il avait complété les premières mesures prises par les dispositions suivantes :

« Voulant étendre les récompenses et les encouragemens à tous les genres d’études et de travaux qui se lient à la gloire de notre règne ;

« Désirant donner aux jugemens qui seront portés le sceau d’une discussion approfondie et celui de l’opinion du public ;

« Ayant résolu de rendre solennelle et mémorable la distribution des prix que nous nous sommes réservé de décerner nous-même ;

« Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

« Article 1er. — Les grands prix décennaux seront au nombre du trente-cinq, dont dix-neuf de première classe et seize de seconde classe[1].

  1. La valeur de ces grands prix était de 10,000 francs pour les prix de première classe et de 5,000 francs pour les autres. Les dix-neuf grands prix de première classe, mis à la disposition de l’Institut, devaient être ainsi répartis : sept à décerner par la classe des sciences, cinq par la classe de la langue et de la littérature françaises, un par la classe d’histoire et de littérature ancienne, et six par la classe des beaux-arts, qui disposait en outre de quatre grands prix de deuxième classe.