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voyant abandonné par ses officiers, l’électeur avait promptement quitté sa capitale ; son courage n’était pas au niveau de ses instincts : c’était, je crois l’avoir dit, un roseau peint en fer.

Personne n’avait plus que lui, en Allemagne, compromis la royauté et il se posait en victime de la résolution ! Il réclamait l’intervention des souverains pour le remettre sur son trône, au nom des principes monarchiques qu’il prétendait outrageusement méconnus. Membre de l’union d’Erfurt, il passa brusquement à l’Autriche, pensant, à juste titre, trouver à Francfort plutôt qu’à Berlin les moyens nécessaires pour remettre ses sujets à la raison. Mais, tandis qu’il sollicitait le secours du Bund autrichien, les populations hessoises imploraient l’appui du Bund prussien.

Par son évolution, la Prusse, qu’il abhorrait, se trouvait, à son contentement, acculée dans un dilemme. Si elle intervenait en Hesse, elle jetait le gant à l’Autriche, et, si elle permettait à la diète de relever son autorité, elle subissait un affront. « Mieux vaut la guerre, » disait M. de Radowitz, qui venait de remplacer M. de Schleinitz au ministère des affaires étrangères. — Que risquait-on ? Le congrès des princes, réuni à Berlin, ne battait plus que d’une aile, l’œuvre d’Erfurt menaçait de sombrer, une action énergique seule pouvait la remettre à flot. On s’attendait à de graves événemens, en voyant inopinément le général de Radowitz sortir des coulisses et prendre le pouvoir.


VIII. — I.A CONFÉRENCE DE VARSOVIE.

Dès le lendemain, en effet, le généra! de Groeben à la tête d’un corps d’armée prussien pénétrait en Hesse et occupait Cassel, tandis qu’un général autrichien, le comte de Linange, nommé commissaire fédéral par le plenum de Francfort, s’avançait à la tête d’un corps d’armée bavarois pour rétablir l’autorité de l’électeur dans ses états. Un choc semblait inévitable. On comptait sans le roi, bien que depuis 1848, il n’eût pas cessé de donner à l’Allemagne le spectacle des plus affligeantes évolutions. Frédéric-Guillaume courtisait la révolution tant qu’elle ouvrait des perspectives à son ambition, il la répudiait dès qu’elle l’exposait à un danger. Le mot d’Alexandre de Humboldt devait se justifier cette fois encore; sa conscience, qui décidément lui voulait du mal, se réveilla juste au moment où le général de Radowitz présentait à sa signature le décret de mobilisation. Le parti fédéral qui combattait les deux grandes passions nationales : la délivrance des duchés de l’Elbe et l’unité de l’Allemagne, n’était pas resté inactif, il avait mis tout en branle pour l’effrayer et le faire reculer. Il déplorait, par l’organe de M. de Bismarck, qu’on voulût imposer à la monarchie des Hohenzollern