Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/913

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membres, afin de constater l’état de la ville, inviter ensuite le khédive et ses ministres à revenir au Caire pour y reprendre leur service.

A dater du moment où le bombardement d’Alexandrie fut résolu, l’Angleterre, en vue de l’accomplissement de ses projets, formait chez elle et dans l’Inde un corps de 35,000 hommes, dont le commandement était confié au plus en renom de ses généraux, sir Garnet Wolseley. En attendant l’arrivée du vainqueur des nègres de Coumassie, des troupes, venues de l’île de Chypre, campèrent dans la jolie petite bourgade de Ramleh, à quinze minutes d’Alexandrie. C’était la sécurité absolue pour cette malheureuse ville, dont les décombres fumaient toujours.

Les Anglais craignaient beaucoup plus les Bédouins que les Arabes car les premiers, dans leurs courses vagabondes, s’approchaient souvent du canal de l’isthme, et c’était cette grande voie qu’il fallait préserver avant tout. Ils eurent l’idée, souvent mise en pratique par eux, d’envoyer vers les tribus bédouines un certain docteur Palmer, avec la délicate mission de gagner par des largesses les tribus qui, d’habitude, campent entre Gaza et la Mer-Rouge. La tentative était périlleuse : le docteur et sa suite y périrent.

Entre temps, le cabinet que présidait M. de Freycinet tombait sur le refus que lui faisait la chambre de lui fournir l’argent nécessaire à la garde du canal de Suez. C’était cependant le moins que nous pussions faire pour la défense de nos intérêts en Orient. Il est vrai que, de son côté, M. Mancini, le chef du ministère italien d’alors, alléguait pour refuser son concours que, l’intervention ottomane étant décidée, son pays n’avait plus rien à voir en Égypte.

De son côté la Sublime-Porte, qui devait y envoyer 5,000 ou 6,000 hommes, retirait son offre devant les singulières conditions qui lui étaient imposées par l’Angleterre. Les Turcs se bornèrent à dire qu’ils comptaient bien que cette puissance prendrait en considération leurs droits souverains en Égypte, en l’évacuant un jour. Il était difficile de se montrer plus coulant. Leur croyance en une fatalité qui doit tout leur faire supporter patiemment est une qualité précieuse, mais le jour où ils la perdront, ils verront bien qu’il y a duperie à tout accepter.

Le parti national ne désarmait pas : il était d’autant plus endroit de se montrer résolu qu’il ne s’était livré, — au Caire, du moins, — à aucune violence ni vengé de personne. Dans cette ville, la résistance aux volontés de Méhémet-Tewfik devenait ouvertement de la rébellion. Dans un nouveau conseil auquel prirent part trois princes parens du khédive, sept princes de la famille khédiviale, le