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la tente et de les pousser à la révolte, quand ils croiront le moment favorable. »

Le général Cavaignac voulut et crut imposer aux malveillans par une grande exhibition des forces militaires réunies immédiatement sous sa main. Le 26 mars, il leur montra, sur le champ de manœuvres de Mustapha, 10,000 hommes de belles troupes, et, à leur suite, plus de 500 chefs indigènes: khalifas, bachaghas, aghas, kaïds, cheikhs. Cependant de tous côtés, de tous les bureaux arabes arrivaient des informations sérieuses ; un souffle d’insoumission passait dans les douars. On y accueillait avidement, on y commentait des rumeurs extraordinaires : une invasion marocaine dans l’ouest, l’apparition de Bou-Maza, la rentrée miraculeuse d’Abd-el-Kader, par-dessus tout la guerre maritime, Alger déjà pris et saccagé par les Anglais. Des Kabyles étaient descendus de leurs montagnes pour s’assurer du fait et tirer, s’il se trouvait exact, quelque lopin du pillage. Ces nouvelles étaient graves, mais tout essai d’insurrection, toute prise d’armes pouvait être immédiatement réprimée. L’armée comptait encore plus de 70,000 hommes; il y avait 21 bataillons dans la province d’Alger, 16 dans la province d’Oran, 14 dans la province de Constantine.

Ce fut vers le milieu d’avril que les premiers actes d’insoumission se produisirent au grand jour; c’était le moment où l’impôt 4u printemps, la zekkat, devait être perçu ; un certain nombre de douars refusèrent de l’acquitter, d’abord aux environs de Médéa, parmi les Righa et les Beni-Hassen; des meurtres même furent commis. Le 13 avril, le général Marey, à la tête d’une colonne de 2,400 hommes, marcha contre les insoumis, qui ne firent d’ailleurs aucune résistance; en six jours, ils versèrent l’impôt exigible et de plus 32,000 boudjous d’amende. La tranquillité rétablie dans le Titteri, le général se porta dans le sud, chez les Ouled-Naïl, dont il parcourut durant plus d’un mois le vaste territoire, frappant des contributions, réclamant l’impôt arriéré, partout obéi ; les seuls Ouled-Sidi-Aïssa n’en furent pas quittes à moins de 45,000 boudjous; ils étaient de plus d’une année en retard. Le général rentra donc satisfait à Médéa, le 29 mai, après quarante-sept jours de promenade.

Dans la province d’Oran, il y eut plus qu’une promenade; il est vrai que les insoumis n’étaient rien de moins que les grandes et belliqueuses tribus des Beni-Ouragh et des Flitta. Les menaces n’ayant pas d’effet, il fallut en venir aux coups de fusil. Trois colonnes sorties, la première de Mostaganem, sous les ordres du général Pélissier, la deuxième d’Orléansville, sous le colonel Bosquet, la dernière de Mascara, sous le colonel Maissiat, resserrèrent et poursuivirent les insurgés dans l’âpre région de l’Ouarensenis. L’expédition dura un peu plus d’un mois ; il n’y eut d’engagement