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ferré ni la rapidité d’exécution, ni la complète efficacité d’exploitation, ni le bon marché.

Il serait superflu de nous attacher à un historique étendu. Quelques mots seulement, surtout sur la France, seront ici d’usage. De 1830 à 1835, alors que la Grande-Bretagne et les États-Unis possédaient déjà un ensemble de tronçons ferrés respectable, l’Autriche-Hongrie avait seulement 128 kilomètres de chemins de fer, de Budweis à Linz. La Belgique, née de la veille, il est vrai, mais se perdant en discussions oiseuses sur les mérites comparatifs de l’exécution par l’état ou par les compagnies, ne devait se mettre à l’œuvre qu’à partir de 1835. La Prusse et la Russie possédaient chacune un échantillon de chemin de fer, l’un de 26 kilomètres, l’autre de 28.

Nation intellectuellement active, individuellement bien douée, la France ne pouvait attendre patiemment pour faire l’essai des voies ferrées que l’état daignât s’y intéresser. Aussi est-elle au premier rang de celles qui ont adopté l’instrument nouveau. L’initiative individuelle ne se montra ni paresseuse ni timide, et si les discussions des chambres ne l’eussent pas arrêtée pendant près de vingt ans, si les formalités administratives, si la jalousie et l’étroitesse d’esprit des pouvoirs publics ne l’eussent pas condamnée à l’inaction, notre pays, dix ou quinze ans plus tôt, aurait joui du bienfait des chemins de fer.

Dès le commencement du siècle et peut-être auparavant, des voies à rails se rencontraient en France, dans les houillères d’Anzin et dans les mines de Poullaouen en Bretagne : là elles étaient de bois ; à l’usine d’Indret, à celle du Creuzot, on en trouvait de fer. Diverses publications, en 18 ! 7 et en 1818, attiraient l’attention des industriels sur ces agencemens, en recommandant l’imitation des voies ferrées anglaises pour l’exploitation des mines de houille. Les concessionnaires des mines de la Loire eurent les premiers l’honneur d’inaugurer les voies ferrées régulières. Après une étude des voies ferrées de Newcastle, M. Beaunier traça le plan d’un chemin de fer de 18 kilomètres entre Saint Etienne et Andrézieux. L’administration, n’attachant aucune importance à ces travaux, accorda la concession, sans aucune limite de durée, en 1823. Quelques années après, deux hommes dont le nom mérite d’être retenu, comme celui des pionniers français en cette matière, MM. Séguin frères, obtenaient en 1826 la concession d’un chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon, long de 57 kilomètres. La France n’était donc guère en retard sur l’Angleterre et les États-Unis. Une troisième ligne fut concédée, en 1828, de Saint-Étienne à Roanne. Ces trois chemins de fer furent ouverts, l’un en 1828, le second en 1830, le troisième en 1834.