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de main loyal dissipent beaucoup de préventions que le silence et l’éloignement enveniment. On nous a beaucoup parlé, dans les discours que nous avons entendus, de fraternité, d’humanité, d’union des peuples. Ces mots ne sont plus guère à la mode aujourd’hui, et je suppose qu’ils ont dû faire sourire tous ceux qui, comme la nouvelle école allemande, ont horreur des rêves du cosmopolitisme et se glorifient de ne suivre que la politique des intérêts. Faut-il croire cependant qu’ils ont perdu désormais toute signification ; et, dans une réunion d’amis de la science, ne sont-ils pas encore à leur place ? Pour moi, j’avoue que, malgré les amères déceptions qu’ils nous ont causées, j’aime toujours à les entendre. Je suis aise surtout qu’on les ait prononcés en présence de ces jeunes gens de toutes les nations, qui sont à l’âge où il sied d’être généreux, même un peu rêveurs, et qu’il ne faut pas flétrir et désenchanter d’avance. Il y a quelques mois, M. Bréal adressait à nos étudians ces belles paroles qui me semblent la vérité même, et que je veux reproduire en finissant : « On a pu reprocher justement à la politique de notre pays d’avoir oublié, à une certaine époque, l’intérêt français pour une illusion cosmopolite que nous étions seuls à caresser, et qui, en s’évanouissant, nous a laissés sans aide et sans appui, en présence de nos mécomptes et de nos erreurs. La leçon ne doit pas être perdue. Il appartient aux hommes d’état, à ceux qui conduisent notre politique, d’éviter le renouvellement de pareilles fautes. Mais cette tâche n’est pas la vôtre. Vous avez un rôle plus agréable et plus facile : il consiste à vous faire des amis, qui se retrouveront à l’heure des alliances, ou qui ne seront pas un obstacle, si l’heure des luttes doit sonner. Même en supposant qu’il faille se retrouver dans des camps contraires, c’est à vous de jeter, au sein même de cette Europe en armes, les germes d’une réconciliation future, car, après qu’on se sera suffisamment exterminé, il faudra bien un jour retourner à une vie humaine et tolérable : et d’où viendra le commencement de ces temps meilleurs, s’il ne se prépare point dans la jeunesse ? »


Gaston Boissier.