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pays d’Ammon, et mit le siège devant Rabbath-Ammon. Il prit sans beaucoup de peine la ville basse, située sur le bord de l’eau. Il lui restait à prendre la ville haute, avec la résidence royale. Joah, par une adulation qui montre combien la royauté était déjà fondée en Israël, fit prévenir David, « pour que ce ne soit pas mon nom, aurait-il ajouté, qui soit prononcé à ce sujet. » David vint et prit la ville. Il enleva la couronne d’or, enrichie de pierres précieuses, de dessus la tête du roi vaincu, et la mit sur la sienne. Le butin fut immense. On fit sortir tout le peuple, et on le massacra de la façon la plus cruelle. Les uns furent sciés, les autres mis sous des herses de fer ou des faux de fer, qu’on promena sur eux ; d’autres furent jetés dans les fours à briques. Toutes Les villes d’Ammon subirent le même traitement.

La cruauté a toujours fait partie de la guerre en Orient. La terreur y est considérée comme une force. Les Assyriens, dans les bas-reliefs des palais, représentent les supplices des vaincus comme un acte glorieux. Le royaume des saints, d’ailleurs, ne fut pas fondé par des saints. Rien encore, à l’époque où nous sommes, ne désignait Israël pour une vocation spéciale de justice et de piété.

On a tout à fait faussé l’histoire, en présentant David comme le chef d’un royaume puissant, ayant, à peu près embrassé toute la Syrie. David fut roi de Juda et d’Israël ; voilà tout. Les peuples voisins, hébreux, chananéens, araméens, philistins, jusqu’à la hauteur de l’Hermon et jusqu’au désert, furent vigoureusement assujettis et plus ou moins ses tributaires. En réalité, sauf peut-être la petite ville de Siklag, David ne fit aucune annexion de pays non israélite au domaine israélite. Les Philistins, les Édomites, les Moabites, les Ammonites, les Araméens de Soba, de Damas, de Rehob, de Maaka, furent après lui ce qu’ils avaient été auparavant, seulement un peu affaiblis. La conquête n’était pas dans l’esprit israélite. La prise de possession des terres chananéennes était un fait d’un autre ordre. On s’habituait de plus en plus à l’envisager comme l’exécution d’un décret de Iahvé. Ce décret ne s’étendant pas aux terres d’Édom, de Moab, d’Ammon, d’Aram, on se croyait autorisé à traiter les Édomites, les Moabites, les Ammonites, les Araméens avec la dernière dureté, à leur enlever leurs richesses métalliques, leurs objets de prix, mais non à prendre leur terre, ni à changer leur dynastie. Aucun des procédés des grands empires à la façon assyrienne n’était connu de ces petits peuples, à peine sortis de la tribu. Ils étaient aussi cruels qu’Assur, mais infiniment moins politiques et moins capables d’un plan général.

L’impression produite par l’apparition de cette royauté nouvelle n’en fut pas moins extraordinaire. L’auréole de David resta comme une étoile au front d’Israël. Nous avons si peu de poésies de ces