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lorsque, le 18 juin de la même année, la déclaration de guerre de l’Angleterre vint provoquer une panique financière et entraîner la chute de nombreuses maisons de banque, seul il demeura debout, sans atteinte, et vit encore grandir sa fortune et sa réputation. Mais le trésor public était vide, le papier fédéral au plus bas. Patriote ardent, Stephen Girard offrit de mettre au service du gouvernement ses richesses et son expérience. À ce moment, il fut le sauveur de la république; pendant cinq années, il soutint seul son crédit chancelant, négociant des emprunts sous sa responsabilité personnelle, faisant face à toutes les dépenses, pourvoyant à tout.

La paix conclue, ses avances remboursées, il restait le plus riche capitaliste du Nouveau-Monde. Il fondait et dotait l’institut qui porte son nom, affecté, en souvenir de son enfance négligée, à l’éducation des enfans, orphelins, lui faisait don, en outre, de la somme, énorme alors, de 10 millions de francs, sans autre condition que de réserver une salle spéciale destinée à recevoir son modeste mobilier, ses quelques livres et les humbles effets qu’il portait au moment de sa mort. Il avait alors quatre-vingt-trois ans.


IV.

Le 1er février 1888, la goélette américaine Marin mouillait à l’extrémité sud de l’île de Turneffe, sur la côte du Honduras anglais, près du Yucataa. Les allures mystérieuses de son capitaine et de l’équipage, les appareils singuliers qui encombraient son pont, avaient éveillé la curiosité des oisifs résidens de Bélize et des rares habitans de la baie de Bokel. On s’enquit et l’on finit par apprendre que la Maria, sous les ordres de John-B. Peck, était à la recherche d’un trésor enfoui, assurait-on, par le célèbre boucanier Morgan. Quinze ans auparavant, M. Davidson, juge à Honolulu, avait découvert, dans de vieux manuscrits, des documens et des plans attestant l’existence, sur ce même point, de coffres remplis de doublons, enfouis par Morgan pour les soustraire aux recherches. Le juge Davidson n’avait rien pu retrouver. M. J.-B. Peck espère être plus heureux. Il a, dit-il, obtenu des autorités anglaises le privilège exclusif de faire des fouilles pendant un an, à charge pour lui de remettre 10 pour 100 du trésor qu’il pourra déterrer au gouvernement britannique. Aux dernières nouvelles, on affirmait qu’il était sur la trace, mais il se refusait à rien révéler aux reporters des journaux américains, à l’affut de son entreprise.

Ce n’est ni la première ni la dernière tentative de cette nature dont ces îles seront le théâtre. Une tradition plusieurs fois séculaire, corroborée par des documens précis, ne laisse guère de