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maîtres ou sans élèves. Cela s’est déjà vu en Russie, pour ces mêmes écoles de paroisses, sous Alexandre II, à une époque où l’on avait déjà songé à mettre l’enseignement populaire aux mains du clergé. Vers 1865, par exemple, les statistiques officielles inscrivaient jusqu’à 18,000 écoles ecclésiastiques paroissiales; et, quand on descendait à examiner le nombre des élèves de ces 18,000 écoles, on trouvait, non sans surprise, qu’il ne dépassait pas 100,000. Chacune de ces écoles de paroisses ne comptait ainsi en moyenne que cinq ou six élèves, ce qui revient à dire que beaucoup n’avaient qu’une existence nominale.

Il semble, il est vrai, n’en plus être de même aujourd’hui. A en croire les comptes-rendus officiels, les nouvelles écoles paroissiales auraient, en maint diocèse, une moyenne de vingt à trente élèves. Des centaines de milliers d’enfans des deux sexes apprendraient, sous la direction du pope, à déchiffrer les trente-six lettres de l’alphabet russe. Il s’est trouvé des localités si satisfaites de ce mode d’enseignement qu’elles voulaient transférer au clergé les écoles laïques. Un moment, il a été question de lui confier les libres écoles fondées par les zemstvos. Quoique la Russie ne soit pas encore en proie aux luttes du « laïcisme » et du « cléricalisme, » une pareille absorption de l’enseignement primaire par le clergé répugnerait à la plupart des Russes. Les avantages de la variété et de la concurrence ne leur échappent point. Parmi les amis attitrés de l’église, il s’en est rencontré d’assez clairvoyans pour ne pas lui souhaiter un monopole si manifestement au-dessus de ses forces. Le dernier des slavophiles, feu Aksakof, appréhendait de voir l’exclusion de l’élément laïque provoquer un antagonisme entre la société civile représentée par les zemstvos et les influences ecclésiastiques. L’idée d’abandonner à l’église l’enseignement populaire n’en a pas moins été agitée jusqu’au sein des assemblées provinciales. Un quelques districts, les zemstvos ont eu assez de confiance dans le clergé pour lui remettre spontanément leurs écoles en continuant à les subventionner de leurs deniers. Le plus souvent, le zemstvo, en conservant ses propres écoles, y a fait une plus grande place aux matières religieuses, spécialement au slavon ecclésiastique ; c’était le meilleur moyen de gagner la confiance du peuple à l’enseignement laïque.

Si les écoles du zemstvo sont généralement demeurées indépendantes du clergé, il n’en est pas de même des petites écoles villageoises, dites écoles de lecture et d’écriture (gramotnost), où l’enseignement était donné par des paysans, d’anciens soldats ou des employés en retraite, dont le plus clair du traitement était d’être nourris par les parens de leurs élèves. Toutes ces chétives écoles « paysannes, » l’empereur Alexandre III les a placées sous la