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urbaines reçurent les Autrichiens à coups de fusil. Mais presque partout les alliés ne trouvèrent aucune résistance. Épinal se rendit à cinquante Cosaques, Mâcon à cinquante hussards, Reims à un peloton, Nancy aux coureurs de Blücher, Chaumont à un seul cavalier wurtembergeois ! Langres et Dijon, après avoir fièrement fermé leurs portes, capitulèrent, Langres au deuxième coup de canon et Dijon au deuxième parlementaire. Dans les campagnes, au cri : les Cosaques ! nombre d’habitans se sauvaient, emportant leurs meubles les meilleurs et poussant devant eux vers les bois les porcs et les vaches ; d’autres, confiant dans les proclamations des alliés, qui promettaient le respect des propriétés et le maintien sévère de la discipline, ne quittaient pas les villages. Ils s’efforçaient d’éviter les violences par leur empressement à satisfaire aux demandes des soldats et aux réquisitions des chefs. À la vérité, les différens corps français se repliaient partout devant les grandes armées alliées ; les généraux commandant les levées en masse dans les départemens frontières n’étaient pas arrivés à destination quand déjà s’avançait l’ennemi ; les préfets et sous-préfets quittaient le pays, d’après les ordres exprès de l’empereur, avec les dernières troupes françaises. Sans chefs, sans organisation et la plupart sans armes, les paysans pouvaient-ils s’opposer à la marche de 300,000 soldats ? Toutefois, ils étaient peu disposés à combattre. La misère où ils se trouvaient, les sacrifices qu’ils avaient déjà faits, leurs terres en friche et leurs enfans tués à Leipzig ou morts à Mayence, les avaient brisés à toutes les résignations. « La soumission des habitans encourage les alliés, » écrit le 31 janvier le duc de Vicence, que trois semaines passées dans les contrées envahies avaient mis à même de bien connaître l’état des esprits, « Il n’y a plus d’énergie en France, » écrit-il encore le 3 février. — « L’inertie est partout la même, » écrit de Chaumont le maréchal Mortier. « Dans la foule, dit le sous-préfet de Vervins, il n’y a que mollesse et lâcheté. Je vois tous les habitans sans émulation et sans énergie, insensibles à la honte d’une invasion. »

La nouvelle du passage du Rhin se répandit à Paris et dans les départemens limitrophes, les 6 et 7 janvier. Déjà quelques exemplaires de la proclamation de Schwarzenberg y étaient parvenus. Ce très habile manifeste, pour lequel le prince avait pris sa plume de diplomate, n’eut pas seulement comme effet de désarmer, en les rassurant, les populations rurales. Perfidement commenté, il excita dans la plupart des villes un sentiment nouveau et redoutable. « Les proclamations des alliés, écrivait le duc de Vicence, le 8 janvier, nous font encore plus de mal que leurs armes. » La proclamation de Loërach, conçue d’ailleurs dans le même esprit que la déclaration de Francfort, se résumait en ces deux termes : paix à la France, guerre