Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/799

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donna 184,000 conscrits. C’était un excédent de 24 000 hommes La seconde levée (150,000 hommes de la conscription de 1815) ne rencontra pas non plus de résistance, sauf dans quelques départemens de l’ouest et du sud-ouest[1]. Mais cette levée, qui ne devait fournir que des hommes de dix-neuf ans en moyenne, ne fut pas pour ce motif, pressée avec activité. L’administration, les bureaux de recrutement, les magasins d’habillement et surtout les arsenaux ne pouvaient suffire à tant de levées à la fois. Or l’empereur préférait les conscrits de vingt-cinq ans à ceux de dix-neuf. Commencée postérieurement à celle des 160,000 hommes, la levée de 1815 était loin d’être terminée à la fin de la guerre.

Les difficultés surgirent avec la levée des 300,000 hommes Lever encore 300,000 hommes sur les classes de l’an XI à 1814, c’était, selon l’expression de Vauban, « tirer plusieurs moutures d’un même sac. » Les hommes des classes de l’an XI à 1807 allaient satisfaire à la conscription pour la seconde fois ; ceux des classes de 1808, 1813 et 1814 pour la troisième fois ; ceux des classes de 1809 à 1812 pour la quatrième fois ! Outre les 150,000 hommes de la levée normale, on exigeait de la classe de 1809 et de chacune des trois suivantes le quart de la levée extraordinaire du 11 janvier 1813, soit 25,000 hommes ; le septième de la levée extraordinaire du 9 octobre 1813, soit 38,000 hommes ; le treizième de la levée extraordinaire du 15 novembre 1813, soit 2,000 hommes ; en tout : 237,000 hommes. C’était l’entier épuisement d’une génération[2].

Les levées précédentes avaient successivement enlevé les célibataires, puis les veufs sans enfans ; pour la levée des 300,000 hommes, on dut prendre les soutiens de famille et même un certain nombre d’hommes

  1. Correspondance des préfets relative à la conscription de 1813-1814. (Archives nationales, F. 7, 3,408(2), 3,4168(3) 3,416(2).) — D’après cette précieuse correspondance, il serait facile de dresser pour l’ensemble de la France un tableau figuratif de l’esprit public en 1814. D’une façon générale, on peut dire que le patriotisme, se traduisant par l’obéissance aux appels sous les drapeaux, la fidélité au gouvernement impérial et plus tard, les prises d’armes spontanées contre l’ennemi, animait les départemens qui correspondent aux anciennes provinces : Picardie, Ile-de-France, Bretagne (moins les environs de Nantes), Saintonge, Auvergne, Haut Languedoc, Dauphiné, Lyonnais, Bourgogne, Berri, Bourbonnais, Nivernais, Touraine, Orléanais, Franche-Comté, Champagne, Alsace et Lorraine. Les Flandres, l’Artois, la Normandie, le Maine, l’Anjou la Guyenne, la Gascogne (moins le département des Hautes-Pyrénées, le Bas Languedoc, la Provence (moins Marseille et Toulon, étaient indifférens à l’invasion et plusieurs hostiles à l’empire.
  2. Dans la pratique, et autant que le temps et les circonstances le permirent les préfets s’efforcèrent d’équilibrer les charges entre ces différentes classes. Ainsi on ne prit les veufs sans enfans et les hommes mariés dans les classes 1809 a 1812 les plus éprouvées, que lorsqu’on eut pris tous les célibataires dans les classas antérieures et postérieures.