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de l’intervention des princes, dont la parole, livrée aux passions des partis, ne sert le plus souvent, en un de compte, qu’à obscurcir et à dénaturer les situations.

Que le prince Napoléon saisisse l’occasion d’une publication historique sur l’empereur et sur l’époque impériale pour rajeunir ses titres à la confiance de la république et des républicains, ce n’est ni bien nouveau ni bien grave; on a le choix entre les deux incarnations les plus récentes du bonapartisme découronné de sa gloire : l’incarnation républicaine avec le prince Napoléon, et l’incarnation autoritaire, césarienne, avec le prince Victor. Le conflit des prétentions fait la faiblesse des prétendans. Que M. le Comte de Paris ait cru devoir se jeter dans la mêlée en publiant à l’heure qu’il est un manifeste ou un message sous la forme « d’instructions aux représentans du parti monarchiste en France, » c’est d’une bien autre signification ; l’événement a sa gravité, et les républicains eux-mêmes, par l’exaspération particulière avec laquelle ils ont reçu cette manifestation, ont contribué étourdiment à en relever l’importance. M. le Comte de Paris a certes droit à tous les respects, et pour les traditions dont il est le dépositaire et pour la situation douloureuse que l’iniquité des partis lui a créée. C’est de plus un esprit sérieux et appliqué, formé par une étude attentive de tous les intérêts publics. Le manifeste qu’il a cru devoir livrer à l’ardeur des polémiques du jour est évidemment une œuvre méditée et réfléchie, où le prince a tenu à rassembler et à coordonner avec un soin presque minutieux ses vues sur le gouvernement de la France. Dans sa partie critique, il n’est que trop justiflé par les fautes et les excès de la politique républicaine ; dans ce qu’on pourrait appeler sa partie théorique, il atteste la bonne volonté de tout combiner, de tout concilier, même des choses qui peuvent paraître inconciliables. Le manifeste de M. le Comte de Paris n’a d’ailleurs rien d’un appel à la sédition, aux passions de parti; c’est plutôt un exposé tranquille et étudié de la monarchie telle que le prince la comprend, avec ses conditions anciennes et nouvelles, avec le caractère qu’elle recevrait d’un mouvement irrésistible d’opinion d’une origine toute légale. L’œuvre et l’auteur ne peuvent qu’inspirer le plus sérieux intérêt pour tant de bonnes intentions prodiguées en quelques pages. Après cela, pour parler avec une liberté digne d’un prince comme M. le Comte de Paris, il est bien certain qu’à la lecture du dernier manifeste on ne peut se défendre d’un doute. La première pensée qui vient à l’esprit est de se demander s’il était utile et opportun, s’il répond aux circonstances où nous sommes, si même, en définitive, il n’a pas plus d’inconvéniens que d’avantages.

A quoi peut-il réellement servir? Où est l’utilité de manifestations et de discussions nécessairement sans issue pratique? La monarchie n’est pas une affaire de manifestes. Elle reste, on l’a dit non sans