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continua d’avoir quelques rapports avec elle. Dans un des manuscrits du South-Kensington-Museum publiés par M. Richter, l’artiste parle, il est vrai, d’une femme qu’il appelle « Catarina » tout court et à laquelle il fit faire des obsèques très honorables ; or cette femme, d’après l’hypothèse admise par M. Richter dans un premier travail, n’aurait été autre que sa mère. Après plus ample informé, il se trouve que ce fut seulement une domestique au service de Léonard.

Un point autrement intéressant dans la recherche des origines de Léonard et de ses attaches de famille, c’est le caprice du sort qui fit naître cette organisation artiste entre toutes dans le milieu le plus bourgeois, de l’union d’un notaire et d’une paysanne. On a beau jeu, lorsqu’il s’agit de Raphaël, par exemple, pour parler de sélection de race, de prédispositions héréditaires, d’entraînement par l’éducation. Pour la majorité des autres artistes célèbres, les aptitudes ou la profession des parens ne sont rien, la vocation personnelle, ce don mystérieux, tout. Mais si les parens de Léonard furent impuissans à lui donner le génie, ils lui donnèrent du moins une santé robuste, un sang généreux.

Au début, la situation de Léonard fut relativement enviable; ses deux premières belles-mères n’eurent point d’enfans, et cette circonstance explique comment elles adoptèrent en quelque sorte le petit intrus. Léonard comptait déjà vingt-trois ans en 1475, que son père, qui regagna si bien le temps perdu, attendait toujours un rejeton légitime. Mais du jour, au contraire, où l’adolescent vit arriver le premier frère, c’en fut fait de son bonheur, de sa tranquillité sous le toit paternel. Il comprit qu’il n’avait plus qu’à chercher fortune au dehors, et il ne se le fit pas dire deux fois. A partir de ce moment aussi, son nom, dans les pièces officielles, disparaît de la liste des membres de la famille.

Finissons-en tout de suite avec l’histoire des rapports de Léonard et de sa famille naturelle, qui fut si loin d’être pour lui une famille d’adoption. Ser Piero mourut le 9 juillet 1504, à l’âge de soixante-dix-sept ans, et son fils enregistra sa mort en termes fort laconiques. Parmi ses quatre belles-mères, Albiera di Giovanni Amadori, Francesca di ser Giuliano Lanfredini, Margherita di Franco di Jacopo di Guglielmo et Lucrezia di Guglielmo Cortegiani, la dernière seule, Lucrezia (qui vivait encore en 1520), est mentionnée avec éloges par un poète ami de Léonard, Bellincioni. Quant à ses neuf frères et à ses deux sœurs, tous issus des deux derniers mariages de son père, ils semblent avoir été pour leur frère consanguin des adversaires plutôt que des amis. Après la mort de leur oncle notamment, vers 1507, des difficultés d’intérêt s’élevèrent entre eux. Francesco da Vinci avait, par son testament du 12 août 1504, laissé quelques lopins de terre à Léonard : de là le procès. Un rapprochement