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l’empire, plutôt qu’en discutant les intérêts particuliers de la maison d’Autriche.

Villars, c’est une justice à lui rendre, avait su démêler, à travers les violentes affirmations d’Eugène, les points sur lesquels il céderait, et le même jour où le prince les indiquait à son souverain, il écrivait à Louis XIV : « Je crois la paix faite si Votre Majesté se contente de Landau fortifié, la barrière du traité de Ryswick, en y comprenant les fortifications du Fort-Louis, qui sera, je crois, le seul dédommagement pour Fribourg,.. le rétablissement complet et sans nulle restriction des deux électeurs. »

L’accord était donc fait, au fond, entre les deux ambassadeurs, le 5 décembre, et il semblait qu’il pût se faire sans difficulté entre leurs deux gouvernemens. Louis XIV acceptait, le 7 décembre, la base qui paraissait tacitement convenue entre eux ; le 7 décembre, adressant à Villars des instructions modifiées, il réduisait à ces mêmes trois points les demandes dont il ne se départirait pas. L’arrivée du courrier du 5 décembre et du mémoire d’Eugène arrêta court ces dispositions conciliantes. Le ton du mémoire irrita le roi et lui fit croire que l’Autriche ne voulait pas traiter ; les expressions de la dépêche de Villars lui donnèrent de l’humeur. Villars, toujours impatient de se faire valoir, avait eu l’idée malheureuse de faire suivre la phrase citée ci-dessus de la réflexion suivante : « Je prendrai la liberté de dire à Votre Majesté que, dans le commencement de la campagne, on ne s’attendait pas à une paix aussi avantageuse, laquelle, laissant une bonne frontière à Votre Majesté, porte sa gloire, celle de son gouvernement et de la nation au plus haut point. » Le roi trouva que le bouillant maréchal était bien pressé de lui mesurer sa part de gloire, et que le mémoire d’Eugène ne justifiait pas un optimisme aussi retentissant ; on n’y voyait pas trace des concessions annoncées, mais, en revanche, on y trouvait « une hauteur et une fierté qui auraient été à peine de mise, écrivit-il à Villars[1], si les avantages de la guerre avaient été du côté de l’archiduc : La paix ne peut me paraître honorable pour moi, et, par conséquent, je ne la trouverais pas avantageuse, si j’étais obligé de la faire sans accomplir ce que j’ai promis à mes alliés… Si le prince Eugène rompt les conférences, vous me rendrez un plus grand service, et je vous saurai plus de gré de la fermeté que vous aurez témoignée en exécutant mes ordres que si vous aviez fait une paix qui ne conviendrait ni à ma gloire ni à l’état présent de mes affaires, n Alors, révoquant ses instructions conciliantes du 7, le roi enjoignait à Villars de demander pour l’électeur

  1. Le roi à Villars, 11 décembre 1713.