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déjà de certaines habiletés dont j’ai été frappé : j’ai vu des gravures au burin et à la pointe sèche pleines de promesses, des essais de sculpture, de ciselure qui annoncent des mains d’artisan rompues aux difficultés du métier ; j’en conclus que l’école est bonne, que les enfans sont assidus au travail et qu’ils obéissent à d’intelligentes impulsions.

Le directeur de la maison est M. Reblaud, qui fut instituteur à Colmar avant 1870. Je ferai remarquer, en passant, que la communauté israélite de Paris a attiré, retenu, employé beaucoup de ses coreligionnaires d’Alsace-Lorraine, et que, dans une mesure très appréciable, elle a fait ainsi acte de patriotisme. Le choix d’un état est chose difficile, surtout à l’âge où bien souvent l’on prend ses désirs pour une vocation ; aussi le directeur est toujours consulté, et je crois que son opinion prévaut, car il ne l’impose pas et laisse à l’expérience le temps de se produire. Parfois l’enfant s’obstine à débuter dans un métier auquel on le juge impropre ; loin de lutter contre lui et de l’éloigner de la carrière qu’il a adoptée, on le laisse faire ; deux mois, trois mois au plus d’apprentissage suffisent à ramener l’élève à une appréciation plus nette de ses aptitudes : il écoute alors les conseils qui lui sont donnés, s’y conforme et, presque toujours, n’a pas lieu de s’en repentir. La plupart des métiers que recherchent les apprentis sont des métiers d’une certaine élégance, auxquels l’adresse, l’attention, le goût et quelque faculté d’invention sont nécessaires. Le dernier compte-rendu détaillé que j’ai sous les yeux est celui de 1885, dans lequel sont indiquées les professions étudiées par 74 enfans, dont plus de la moitié, — 40, — sont : horlogers, 10 ; bijoutiers, 9 ; graveurs, 14 ; tailleurs de diamans, 5. Tous les métiers sont paisibles, assis pour ainsi dire, exigent peu de vigueur musculaire, mais une grande habileté manuelle ; le métier le plus bruyant que je découvre au milieu des ciseleurs, des monteurs en bronze, des sculpteurs sur bois, des ébénistes, des tapissiers, des dessinateurs est celui de serrurier, représenté par trois apprentis. Les tailleurs de diamans pourront-ils à Paris se parfaire en leur art, qui parait être une spécialité de la race israélite, et ne serait-il pas sage de les envoyer terminer leurs études à la taillerie d’Amsterdam, dont la rivale n’existe pas encore ?

La Société de patronage ne s’occupe pas seulement des élèves que j’ai vus réunis à la maison de la rue des Rosiers, elle englobe aussi dans son influence tutélaire un certain nombre d’externes qu’elle pensionne et qui viennent assister aux classes du soir. Chacun de ces enfans reçoit, par an, un costume complet et, tous les mois, une subvention qui varie de 5 à 15 francs. C’est donc en