Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre les mœurs que l’on surveille si jalousement, que l’on combat avec tant d’âpreté, et non pas les tendances pernicieuses qui, poussant au méfait, portent préjudice à la collectivité tout entière dont elles attaquent l’existence et la propriété. On peut dire, je crois, qu’en créant le refuge de Romainville, les femmes israélites ont obéi autant à l’impulsion de leur sexe qu’au désir d’arracher leurs coreligionnaires à la corruption.

Dans le principe, tout zèle trop ardent dut être modéré, car la maison était étroite, les places n’y étaient point nombreuses et les ressources dont on disposait n’avaient rien d’excessif. On fut donc obligé de restreindre le champ de l’action, qui fut limité à la correction paternelle de Saint-Lazare. Au lieu de laisser de pauvres créatures achever de pourrir dans un milieu détestable, on tenta de les nettoyer et de leur rendre quelque santé morale. Les résultats obtenus furent bons, et comme, de sa nature, la charité est insatiable, que toujours elle cherche à plus et à mieux faire, on se demanda si d’autres enfans que « les détenues » ne pourraient point participer aux bénéfices de l’éducation et de l’enseignement. On ajouta quelques lits au dortoir, on se tassa dans les classes, dans les ateliers, et l’on put accepter quelques fillettes qui faisaient concevoir de l’inquiétude pour leur avenir. On croyait pouvoir rester ainsi, un peu à la gêne, mais utile néanmoins, réparant le mal, l’empêchant de se produire et, dans la mesure du possible, faisant acte de protection pour l’enfance. On avait compté sans les familles Israélites pauvres qui sont si nombreuses à Paris et qui tendaient les mains vers la maison hospitalière où les enfans trouvaient des soins et la discipline d’une direction maternelle. Il est dur de se boucher les oreilles pour ne point entendre les supplications de l’infortune ; on reconnut la nécessité de s’agrandir, afin de n’avoir plus à se récuser ; on quitta le gîte insuffisant de Romainville et l’on se transporta à Neuilly, boulevard Eugène, où l’on s’installa dans de plus larges conditions. La nouvelle maison pouvait abriter vingt-cinq ou trente enfans, ce qui était un progrès, mais ce qui n’était point en rapport avec les exigences dont l’on était assailli. Tout de suite on fut débordé ; on lutta pendant longtemps et avec courage ; mais on était forcé de multiplier les ajournemens, on se voyait condamné à des refus pénibles, on repoussait des demandes d’admission dignes d’intérêt, et l’on se désespérait de ne pouvoir faire autant de bien que l’on aurait voulu, lorsqu’un sacrifice sérieux, gros de promesses qui n’ont point été démenties, fut consenti en faveur de la fondation récente. Mme Victor Saint-Paul, dame du comité, et M. Victor Saint-Paul, membre du consistoire de Paris, donnèrent à l’œuvre un vaste terrain situé boulevard de La Saussaye, à Neuilly. M. S.-H.