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regarder froidement l’Europe. Car, sans compter ses propres ressources, contre l’Angleterre, elle a l’Espagne et sa marine ; contre la Prusse, elle a l’Autriche ; avec un peu de décision[1], elle aurait même la Russie, qui vient d’ouvrir la Baltique à son commerce ; à Constantinople, sans être prépondérante comme à l’époque de la paix de Belgrade[2], et malgré l’atteinte portée par les affaires de Hollande au prestige du gouvernement de Louis XVI, son influence ne le cède encore à nulle autre. Il n’y a qu’une ombre à ce tableau : l’argent qui manque, la détresse du trésor royal qui s’oppose à l’augmentation de l’effectif et qui paralyse notre diplomatie. Mais voici venir la Constituante, et ce que le conseil de la guerre n’a pu terminer, ce que les notables n’ont pas su faire, les représentans élus de la nation sauront bien, sans doute, eux, l’accomplir : détruire le gaspillage et les abus, créer des ressources et les administrer avec prudence. L’ancien régime a terminé sa tâche, achevé sa journée ; il laisse à ses successeurs un instrument d’une extrême solidité, encore que vicieux ou faussé dans quelques-unes de ses parties. A eux de le redresser, de le perfectionner, et de le porter à son maximum de puissance.


ALBERT DURUY.

  1. Voir sur le projet de quadruple alliance négocié par Ségur pendant sa présence en Russie les Mémoires de ce diplomate et le Choiseul Gouffier de M. Pingaud.
  2. Voir sur nos relations avec l’empire ottoman à cette époque la substantielle et près intéressante étude de M. Albert Vandal sur la mission du marquis de Villeneuve.