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célébrées par le moujik, celles de Saint-EIie ou de Notre-Dame de Kazan entre autres, ne lui sont pas imposées par l’église.

Il est vrai que ces innombrables fêtes, le Russe ne les chôme pas toujours avec scrupule. J’ai vu, au cœur de la vieille Russie, des paysans achever leurs travaux le dimanche. Ils n’ont pas, pour le repos du Sabbat, le respect judaïque des protestans anglais, ou américains. Ils ne craignent pas à l’occasion de vendre ou d’acheter au sortir de l’office des dimanches. En revanche, le peuple répugne à travailler pour un maître les jours fériés. C’est une des choses qui le froissent dans la pratique de certaines industries, et qui parfois indisposent les ouvriers contre les chefs d’usine d’origine étrangère. Pour faire droit à des plaintes de ce genre, le gouvernement d’Alexandre III a enjoint d’observer plus strictement les chômages prescrits par l’église. Peut-être eût-il mieux valu, pour l’industrie nationale, que pareil règlement coïncidât avec une réduction du nombre des jours fériés.

À cette question s’en lie une autre non moins délicate, la réforme du calendrier. On sait que l’église russe et l’état avec elles ont conservé l’année julienne ; bien mieux, le gouvernement impérial a ramené ce calendrier suranné dans des contrées qui l’avaient dès longtemps rejeté. C’est ainsi que la patrie de Copernic a dû revenir au « vieux style. » Il n’a pas suffi de trois siècles pour faire renoncer la Russie à un mode de supputation abandonné de tous les peuples civilisés, catholiques ou protestans, et reconnu pour défectueux par les pays qui persistent à le garder. Elle laisse, la Russie orthodoxe, les astres se mouvoir et la terre tourner, sans daigner tenir compte du cours du soleil. En dépit de ses observatoires, elle vit dans un anachronisme. On dirait qu’il ne lui déplaît pas d’être en retard sur le monde occidental, tant elle met peu de hâte à le rattraper. Ce calendrier de l’ancienne Rome, qui, aux yeux de l’étranger, est pour la Russie comme une enseigne de son attardement, il semble pourtant qu’elle ait tout intérêt à le laisser au vieil Orient. En datant de douze jours plus tard que le soleil, elle parait arriérée de trois ou quatre siècles. Si elle persiste à ne pas se conformer à l’ordre naturel des saisons, c’est toujours pour le même motif : c’est que, dans l’église orthodoxe, il n’y a pas d’autorité centrale pour décréter une pareille mesure, ou pour la faire accepter de tous.

Tandis que l’église romaine, libre de corriger à son gré ses rites et ses coutumes, a mis son orgueil à réformer elle-même son calendrier, l’église orientale, par sa constitution, reste malgré elle enchaînée à l’année julienne, comme si, depuis César, le monde et la science étaient demeurés immobiles. Cette réforme en apparence si simple, effectuée partout autour d’elle, l’église russe ne