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deux directions un concert de lamentations et de plaintes : les employés envisageaient comme une sorte de dégradation sociale l’obligation du travail en commun. Aussi, lorsque les ministères furent ramenés à Paris et que les services des finances durent être installés au Carrousel, des démarches instantes furent-elles faites par le personnel auprès de M. Pouyer-Quertier, qui eut la faiblesse d’y céder. Un crédit de près de 2 millions fut dépensé pour transformer, au moyen de cloisons en bois, les étages supérieurs de l’ancien ministère d’état en une multitude de petits réduits. L’inconvénient est grand pour le public, qu’on promène à travers d’interminables corridors, éclairés artificiellement. Les dangers d’incendie sont de tous les instans et réellement redoutables, à cause de l’aliment que les flammes trouveraient partout ; mais chaque employé a son cabinet, où il s’enferme, reçoit ses visites et échappe à toute surveillance, son feu pour tisonner à l’aise, son garçon de bureau pour se faire servir et abuser le chef qui le demanderait intempestivement.

Cependant, tous ceux qui ont pu voir les divers ministères installés dans les galeries du musée de Versailles s’accordent à considérer cette expérience comme décisive en faveur du travail en commun. La bureaucratie n’articule qu’une objection : la prétendue nécessité de la solitude pour la rédaction d’un rapport ou d’une note qui demande quelque réflexion. La solitude est-elle à ce point indispensable même aux affaires sérieuses ? Quel chef de bureau a à traiter des affaires plus importantes que celles qui sont soumises journellement à M. de Rothschild ? Pourtant, tout le monde peut voir, rue Ladite, au milieu d’une longue galerie remplie d’employés, M. de Rothschild assis à un bureau que rien ne sépare et ne distingue des bureaux voisins. En Angleterre, toutes les administrations publiques et privées, à Paris, les établissemens de crédit, la Banque de France, la Caisse d’amortissement, ont installé le travail en commun et public. Il est temps d’adopter ce système dans tous les ministères. Le travail en commun, sous l’œil du chef de bureau, impose à l’employé l’assiduité, parce que toute absence est manifeste et se constate immédiatement ; il exclut les visites étrangères au service et il interdit une oisiveté trop facile à remarquer. L’exagération, du personnel apparaîtrait aussitôt si trop d’employés demeuraient inoccupés. Le nombre des garçons de bureau est, en moyenne, d’un par trois employés ; il pourrait subir une réduction très notable. Le gaz ou l’électricité remplaceraient la multitude des lampes individuelles ; le chauffage par un calorifère serait substitué à tous les feux isolés, complaisamment entretenus même pour des employés absens : il y aurait de ces deux chefs une